Jan Böthern

Sand im Getriebe

(Du sable dans les rouages)

Éd. Bastei / Lübbe

 

Cela commence bien. L’auteur, né en 1974 à Pinneberg près de Hambourg, s’en donne à cœur joie : avec une verve mordante, il s’attaque au problème du logement pour les jeunes gens, qui se resoud pour un certain nombre d’entre eux avec le système des colocations, un thème d’ailleurs repris dans l’Auberge espagnole de Cédric Klapisch ou encore dans le célèbre Petits meurtres entre amis. À travers ce problème, que l’on devine métaphorique, l’auteur pense sans doute au difficile apprentissage des relations sociales, fustige au passage l’éternelle recherche de "jobs" que notre société en crise artificielle propose à sa jeunesse en difficultés, et aborde surtout les relations avec l’autre sexe (Frank Zappa: "the opposite camp"!)...

Cela ne continue pas si mal. Zoom-arrière. L’auteur, à travers son narrateur "Jan", raconte ses premiers rapports avec la société de la communication médiatisée. La télévision est une drogue. Jan la regarde sans discontinuer, surtout tard dans la nuit, sa série américaine favorite, l’antimilitariste M.A.S.H., rediffusée pour la nième fois, tournée dans les années soixante, et qui traite de façon fort drôle et ironique des déboires d’une équipe d’infirmiers lors de la guerre de Corée. Las d’une telle dépendance, Jan décide de décrocher pendant une année entière, ce qui ne l’empêche pas d’enregistrer tous les épisodes de M.A.S.H. dont, l’année sabbatique écoulée, il se payera une prodigieuse overdose...

Nouveau zoom-arrière : première relation amoureuse, décrite de façon à la fois très mignonne et cynique; l’auteur commence à hésiter entre la fleur bleue et la mauvaise herbe...

Puis ça tourne au vinaigre. N’ayant sans doute pas tant d’événements à relater de sa vie encore jeune, Jan nous parle de ses galères à l’occasion d’une randonnée en Scandinavie avec des copains, où sa critique du boy-scoutisme de l’un de ses acolytes finit par manquer d’intérêt. Suit une randonnée à vélo à travers l’Angleterre, où une errance dans la nuit de Newcastle se lit avec un certain plaisir. Mais le niveau de départ est perdu; les jeux de mots finissent par s’user, car l’auteur ne cesse de tirer sur le même ressort; la langue n’est plus vraiment sous contrôle, les idées non plus...

Suivent d’autres relations amoureuses, les unes plus problématiques que les autres, et des tirades sur la pédagogie, plutôt bien senties : ayant terminé des études dans cette discipline, l’auteur est actuellement chargé de cours en "formation pour adultes et nouveaux médias" à l’université de Cologne, tout en écrivant des sketchs pour le Comic On Theater...

Mais l’enthousiasme de départ, - qui pour un lecteur allemand tient à ce que l’on retrouve, dans ce texte somme toute assez drôle et "bien envoyé", quelque chose de la grande satire allemande d’un Kurt Tucholsky ou d’un Wolfgang Neuss, malheureusement inconnue en France, car souvent intraduisible, - cet enthousiasme s’est estompé au fil des histoires de potaches que chaque gamin a vécu à sa manière et qui sont ici traités avec un certain conformisme très en contradiction avec le personnage de l’outsider rebelle que le narrateur/auteur incarne au début avec beaucoup de crédibilité...

C’est un premier texte. L’auteur en donnera d’autres, qui seront plus en harmonie avec son personnage très attachant de rebel without a cause

 

le site de l’éditeur:
http://www.bastei.de