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SIDY LAMINE DIARRA
 

Sidy Lamine Diarra par Grégoire Lyon

Chant d’Exil

(poème)

 

 

 

Amère puissance étrangère
je recule solitairement
dans le silence où l’existence
d’un moi est lourde à supporter



Le printemps écourte le murmure
Écoutant la voix des forêts, les pollens ont contourné l’errance
Dans l’attente rayonnante du soir et, moi, je te découvre lumière
Seule dans le repos des algues.
Mère, l’insoumise, terre, souffle de tant de muses. J’ai rêvé
D’hier accroché à la crinière de l’épouse, mes mains étaient couvertes de rouge écarlate.
Promenant mon regard sur le lointain murmure, un étang,
nappe d’eau endormie, un étang me cachait la limite
Refaire me semblait une éternité…
Pourtant ce lointain, derrière le cercle
Une ville silencieuse où se repose le veilleur des nuits
porteur des grains, dans l’enceinte du ciel
- des voix laissaient échapper, amples et admirables, des sons
Et je pouvais à travers elles accuser le ciel de fervent.

Dans le cœur d’anciens soirs, les voix associées au galop des nuages
Comme eux enduraient la solitude des dieux…
Le poème est ainsi commencé.

Cercle, fable abondante,
Couronne: dessein fatidique !…
Les mots embaumés d’encens, au centre du banquet
Où se joue le Dan aux accords souverains.
Le poème est-il sans espoir…

 Or déjà, dans les prairies où beuglent les vaches, c’est aussi l’aube.
Trace imprégnée aux contours
Courbe qui sillonne le rythme
Traces où trop d’ombres ont brouillé l’origine ; O souffle,
sous l’aile des cygnes, auprès des cyprès, la phrase se césure,
Hélant jusqu’à l’heure de la lune pleine, l’ombre mil fois offusquée
Se lie au cortège des mères orphelines.

Le poème est donc sans âge…

 Je vois, la libellule accoudée au bord du printemps
toute tachée du souvenir de l’hivers
Je vois les oiseaux migrateurs cerner le creuset du ciel,
défaisant la monotonie de l’azur.
"sombres resteraient les reflets de l’imperceptible"
Pourquoi nommerais-je alors que l’oubli protège les dieux ?
Je vois les sites morcelés de l’arc-en-ciel.

"l’œil a trop pleuré ses défunts"
Sous le poids des dogmes quelques feuilles fanées drapent le cercueil
Voici venir l’âge de l’archange noir aux heures des moissons ;
Voici dressé le jour des sept douleurs
Pour qu’enfin je répare ma faute en chantant ma toute pure nullité.

Mère, je sais, miroir brisé des horizons,
Qu’ils vont par delà les monts, par delà les ruines, soutenir le murmure
Qui fait défaut à nos dieux,
je sais qu’ils vont,
Non à la célébration d’un ancien rite,
Mais trouver dans le fourmillement d’anciennes empreintes
L’immense éclat de rire d’un soleil noir.
Il fallait bien qu’un jour la présence, je veux dire la résonance,
ou mieux, la constance, se détache de l’infini que dérobe les sens.
Je sais que trop d’attente nous a déroutés,
Mais puisque je vous rencontre, mère, dans cette chapelle de chimère,
Puissions-nous bâtir dans l’inconnu
Un toit pour notre retraite de rêveur.

Le poème est ainsi nommé.

Nuit sans ombre
Nuits, noircies d’empreintes,
Flammes se consumant en cendre sur les graviers ardents
Où nul désir ne trace la voie aux cigognes.
Nuit me couvrant de son triste paysage
Je tiens à rester éveillé en un recoin du monde où l’aube est éclose.
Il y a un temps pour tout, il y a les yeux ouverts
sur le ciel violacé avant l’aurore.
L’aube fait défaut à la nuit, le crépuscule l’assure
et assume la défaite du jour.


Le poème prend ainsi son essor.

Vent, souffle au creux du tourbillon,
Dis-moi la limite des horizons.
L’instant trop gémissant me laisse dans la sombre demeure
d’un mauvais songe.

Nuit, toi qui extirpe de la présence la note pure du néant,
Je veux un jour lire à l’heure ultime,
à ma fenêtre,
l’unique chant de l’exil…

    Las de toute douleur,
O servante au seuil de l’énigme,
Nuit, il me vint l’écho de la rumeur;
Et sous la fulgurante prophétie, les pétales folles
recouvrent nos empreintes.
La simplicité rigoureuse de l’hiver
nous rendait la visibilité impossible.
Tu t’installais majestueusement : encore des murmures.

Maléfiques graines entassées sous le chapiteau, doux lieu de privilégié
et d’un lendemain incertain, célèbre le couronnement
de ta présence : ta nudité est tranchante.

Sous les pas, des cris se font entendre.
Ce ne sont ni des cris d’enfants, ni ceux de vieux errants,
mais d’hommes robustes, d’hommes qui savaient ce qu’est la retenue.

Alors que dehors le froissement des feuilles ne laisse aucune rature
Seul un long trait supporte le sens
Toi enfin, que je persiste à ne point nommer,
oui toi parcourant le temps.
N’ignorant rien de notre déplacement
Toi ! Oui, Mamba, dieu de la savane
Assis, toujours au seuil des vieilles émigrations savantes
Je te salue, lueur sombre,
Demeure où l’on peut encore entendre des sanglots,
la gorge serrée, étouffée d’émotion ;
Où surgissent des sons sereins qui ne pèsent en rien sur le silence.
O nuit couleur de velours, prise, traquée,
masquant l’horreur de l’imposture;
Aussitôt peuplée d’histoires obscurcies, d’essaims de paroles.

   Le poète est à la cime de l’énigme
Scrutant le ciel blessé qui s’éloigne

La nuit reste impénétrable,
                                        sable mouvant d’invisibles routes
Où il conduit son peuple, sur des sentiers sombres et sinueux,
Vers la vallée égorgée d’insectes et de reptiles,
Il s’était assuré d’abord des paroles anciennes
avant de s’induire en erreur,
car la nuit et la clarté du ciel font défaut à la simple vue d’homme.
Nid d’astres : le ciel absent ; sauf quelques feuilles emportées
par le hasard du vent, donnaient au lieu sa mesure drastique.

Ce sont de grands travaux qu’avait en vue le poète
Sous un ciel blessé qui s’éloigne dans la profondeur où l’épreuve
Reste supplémentaire
Il cherchait à rompre avec le dessein fastidieux du rêve d’enfant.
L’oreille aux aguets, il se tenait à l’écoute du vent,
Les yeux ouverts sur l’opacité de la nuit, il restait attentif
Sur tout bruit il appréhendait un signe.
Renouez les liens, qu’aucun son ne vous échappe.
Nous sommes assiégés,
O toi Amon, dieu solaire !
Ce soir je te fais appel
Toi qui es de mon peuple fais en sorte que la fantaisie de ceux qui nous
Pourchassent s’estompe dans cette vallée… Non, qu’ils arrivent,
Aujourd’hui, une totale rupture doit faire jour.

   Le poème ainsi se poursuit

Mais qui donc a eu cette présomption de vouloir t’importuner
en voulant pour l’éternité graver ton nom ?
Astre au seuil de toute porte
où ait lieu l’unique poids de la gravité.
Seraient-il des courlis ? Ou des courtilières ?
Mon désaveu n’est-il plus suffisant ?

IyAwO, le temps ne vous appartient plus.
Nous ne sommes qu’au début de l’avènement, et la cause
Ne fait que commencer. Ainsi se murmurait le poète.
Regardant son peuple à la lumière des feux de bois
Les traits tirés, les yeux cernés par de longues veilles.
Au sommet du seuil,
essuyant l’échec en frottant son front large de nubien
Ses yeux, laissés au hasard de l’espace, s’endurcissaient.
Inquiet peut-être, mais non désemparé
il comptait le nombre de rescapés dans le silence
où l’existence reste lourde et amère.

Les hommes aux corps barbouillés d’argile, pieds en sang,
Continuent à te faire appel.
Ce n’est ni l’instant,
velours voilant la profondeur de la nuit,
qui ternira leur foi en un vrai devenir

   Dieu de toute émigration savante.

La vie se respire en tout lieu, comme des gamocéphales.
C’est en ce temps que l’homme très simple parmi nous
a repris sa vigilance à l’écoute de la guêpe qui survolait
au dessus de nos têtes.
Ah, disait-il, est-ce vrai que la nuit se prolonge encore ?
C’était la grande inquiétude qu’embrassait l’homme de beaucoup d’espoir.

   Le poème est-il sans constance

À l’intérieur de la profonde nuit; les hommes s’installent en dérive,
Scrutant le fond de l’enfance qu’habille la structure.
Les visages se dérident. Nous allions vers le devenir.
La guêpe survole l’espace.
Pourquoi est-ce encore moi que tu viens frapper
au cœur d’une nuit sombre ?
Le vent ne cesse de tourner,
Les feuilles sous ta pulsion, retrouvent les saisons.
Se défaisant de la défaillance, l’éternel murmure recouvre tout projet
Les hommes découvrent leur chaste châtier
Immondes, ils s’entassent sur les dalles, se croisent en souriant.
Nous commençons la matinée dans la tricherie,
alors que chaque pas se cogne à la limite de l’impossible.
Sur cette vaste terre nous délierons nos désirs.
Peut-être restaurerons-nous nos fenêtres,
Pour mieux cueillir la lueur de l’aurore.
Car les erreurs se sont trop accumulées
L’obscurité et la pourriture empestent nos âmes.

Assise, c’était hier, au bord de la route, la vieille qui,
ne réclamant rien qu’un peu d’attention, vous a bénis de ses larmes.
Elle était impériale avec son regard, et son image s’est inscrite
pour l’éternité dans nos mémoires.
Où est-il cet homme
qui savait répondre à la moindre douleur des errantes âmes ?
Où se cache-t-il celui qui bravait les juges, les clergés ?

   Mamba dieu païen.

   C’est en cela que le poème ne cède à l’inconstance.

Hé guêpe, ces êtres qui peuplent nos souvenirs, les aurais-tu rencontrés?
Qu’importe si l’étendue de nos maux attise la flamme
dans cette profonde obscurité.
Au delà de tout soupçon, je veux une réponse.
Je ne te le demande, Guêpe, que pour mieux m’entretenir avec les hommes.
Je découvre avec horreur toute l’opportunité qui assure l’échec
Où rien ne se meut comme force conquérante de la nouvelle promesse.
Un sirocco pris de folie n’est rien face à ton bourdonnement,

   Guêpe mille fois bénie par la parole des anciens.

À l’aurore ils observent
L’étrange dénouement du jeu entre l’aube
Et les mystères qui s’enfouissent à travers une voix dressée,
Haute dans le désert du ciel
Pointant ainsi la cime où hurle le poète dans son nouveau sommeil :
De toute ressemblance, le Mot dit
Est celui qui rassemble : la venue du temps immémorial.

Qu’ils me frappent, qu’ils me déchirent, qu’ils m’étalent
En morceaux sur leurs étals de boucherie
Qu’ils me baignent dans l’huile bouillante, cela ne change rien
À la venue de l’immémorial temps
Liée aux signes qui portent les sens

   Il restera toujours au poème une langue d’espoir.

Loin, très loin du sombre désir d’une foule affolée
Le poète se faufile à travers les longs couloirs à glaces
Reflets multiples des ombres
Ruse, malignité, Ornement d’un dessein
Il se dirige à l’encontre de la libellule accoudée au printemps
Toute tachée des souvenirs de l’hiver

   Le poème se construit avec tant d’aisance

Est-ce à conclure sur ce malentendu ?
Je ne parle que de moi dans ce parcours sinueux d’ombres noyées
Je me devine, trouve que rien encore n’est perdu
Nous irons, certes, à l’aube murmurante relever les sentinelles
Investies de l’autorité de surveiller les routes,
Rêvant du vieux ciel, la transparence réformatrice du jour
reste pour nous un bon leurre
qui n’accomplit que les desseins fallacieux d’un songe stupide
Alors que la nuit reste recueillement pour nous, nous ne pouvons rien
contre le courant irréversible des siècles.
Nous sommes nombreux, et de même seuls ;
Nous sommes deux, de même un.
Nous restons encombrant, de même simple.
Pourquoi donc nous indexer ?…

Vie, toi qui n’appartiens à personne qu’à toi-même
Délivre les de leur poids ces enfants qui ne demandent rien
Avant que ne souffle le vent fort du sud.

Ces vieilles voix qui parlent par ma bouche, - c’est pour moi
Vous, solitaires errants, vieilles femmes aux lèvres suspendues,
Monsieur au costume brillant, Dame en robe suspecte,
Enfants aux regards errants ;
Vous ne doutez pas combien sont
Le nombre d’affamés et de blessés dans la vallée des larmes.
Il est un lieu que personne ne peut assurer
pour que la douleur soit oubliée

- Qu’à jamais ne reviennent éveillés
Les somnambules au cœur gros
Et les bavards aux bouches sans cesse ouvertes.
Rien, je dis bien, ne pourra arrêter cette effusion morbide de l’horreur.

Nous parcourons un rêve séculaire à l’âge d’homme.

Alors que mon peuple,
Tournant en rond, dans le grand désert,
À la recherche d’une terre habitable,
Dans les brumes légères du désert, sous le vent violent ;
Trace mil fois déposée sur la surface du globe qui se perd ;
Désespérés qui n’attendent que tu leur fasses signe.

Sourcillant, voulant ainsi donner un ton juste à la harpe
Dan aux accords souverains,
Imaginant l’exil au cœur du royaume du sable,
Errance d’un peuple frère, peuple de la bible, témoin d’une ère révolue.

Ils imaginent que l’exil
n’avait pas ce goût amer,
de la différence.
Ils ont crû être loin de leur lieu de départ
Alors que la sinuosité cruelle du désert s’emparait de leur âme.
L’homme s’est lui-même trompé en voulant se soustraire des empruntes
Qui règlent comme un cadran le déplacement des hommes
Jusqu’à l’aboutissement du jour,
Jusques aux premiers rayons échappés de l’astre en pure perte.

   Mamba, dieu de toute émigration savante.
Ce matin l’aube est adulte.
Je ne doute plus que demain soit un autre jour
Néant, vide, usurpation
Tout plonge dans la profondeur abyssale.
Vertige, la vie s’écoule hors espace-temps,
Vie sans saveur aucune.
Vie accrochée quelque part à un cèdre. Fantôme errant
Sur l’asphalte, aspiré de l’honneur de ceindre.

Royaume où bougent et respirent des hommes sans vie
Sous ta forme abjecte de vers gluant, à travers l’exode
et la fraîcheur de la nuit, Tu cherches à briser le seul lien
qui te lie à l’éternité.

   Solitude de lieux où s’abnègue toute comparaison.

Non, nous ne vivons pas le même néant
Un vide dans la mémoire du temps
fait place à des exigences différentes
Et s’apparente à nous,
dans l’exhaustion de nos peuples agrandis.
Ce qui n’est pas encore dit sera prononcé,
Sur les lèvres des jeunes vierges, des enfants à venir.
Car rien, ni dans l’histoire, ne nous associe au même devenir.
Aujourd’hui peuvent espérer les vieilles personnes
de leur progéniture.

   La vie se transforme en un qu’aucun vivant ne défie.

Nuit sombre, velours étendu, instant assuré dans la peur du présent,
Quiétude, aujourd’hui les yeux savent soutenir le regard blessant
Les oreilles savent aussi entendre la rumeur insolite
Du dernier mot qui trouble le bruit de tout infini.
Les gens sont ouverts au nouveau discours.
J’appréhende le faux, comme le vrai me trouble.
Nuit, je te traverse avec cette demande
Soutiens ma démarche comme un enfant te supplie.

   Le poète sort de sa retraite

Il observe les corps entassés,
Corps livrés au concert des mouches,
Corps mutilés, festin barbare des asticots
Corps défigurés par la haine qui habitait cette longue nuit
Corps mille fois acquittés du trouble d’insomnies ;
Couchés sur leurs duvets de ronces et de mûres
La tête vers l’Est, sommeil de l’éternité.
Ciel ouvert aux bruissements déjà accomplis
Alors que l’œil invite à se tenir aux confins du site.
Est-ce encore un rêve, alors qu’il était éveillé ?…

Regard d’enfant collé contre vitre
Tordant son visage innocent d’enfant
Regard pris en convulsion au bord de la rupture
Les femmes en transe dansent la danse du diable
Et se perdent sur les nuages qui filent dans un ciel troublé.

Regards des pauvres qui habitent d’horribles cités d’un monde horrible,
Où trottent les enfants chétifs dans les longs couloirs en béton
Où meurt à chaque heure une femme vieille qui voit son enfant
Dans l’impuissance totale de lui venir en aide.

Regards qui supportent toute la calomnie de l’histoire
Obstruant déjà la vie.
Auriez-vous oublié la ciste hellénique ;
Oh combien l’homme était encore heureux de supporter les dieux ?
Alors que le poème ne se constitue de rien.

C’est dans l’amer songe du moment qu’il ruminait dans son sommeil :
Tant que persiste la fausse résolution, guêpe,
Ton existence sera patente
En réponse aux nouvelles conçues dans l’erreur
Je me tiendrais à ta seule réponse
Le couloir des songes oblige cette nouvelle langue corrompue
Ressentiment profond qui m’habite et me pourchasse
Guêpe au vol tardif.

   Le poème reprend son allure d’antan

Une voix coule sans source,
enivrant le silence de la nuit de son éloquence
Une voix traînarde, irrégulière, interminable, fait écho d’inflexibilité.
Une voix qui s’écoute, suivant l’orphelin de toutes les heures passées.
Sous l’ombre du grand arbre à palabre, crachotant,
avalant des denrées simiesques, fiers et libres, le regard posé
sur leurs femmes, leurs enfants, les filles, les jeunes hommes,
Combattants à la retraite, les sages esquivent l’horizon
de leurs yeux perçants, chassant les mouches d’une queue d’animal,
Par des mouvements désordonnés de leur bras robustes
Sur leur front d’ébène.
Ils continuent les proverbes millénaires du peuple.
Qui parle du silence aurait tort sous l’arbre.
Oh toi, veilleuse de la nuit, Djéné, reine déchue.
Assise là comme mendiante qui recouvre nos plaies.
L’énigme a trop duré et nous ne pouvons plus supporter
L’indifférence, dans ce parcours obtus.

   Le poème tourne sur l’axe indélébile

Dès lors que la pensée se développe
Au seuil d’une forteresse d’énigmes l’homme voit, écoute, et regarde
Cette transformation de la nouvelle aventure
Comme une consécration du dire faisant de la répétition le lieu
De la connaissance à la chose plus proche de la réalité.

Alors que bouge et se forme une autre courbe
Récurrence des couleurs, jusqu’à l’instant ultime
Où le corps et la nuit s’accordent dans la redoutable union…
Formidable clin d’œil qu’évoque la lumière terne
Face retournée du silence ;
Mercure où scintille l’unique résolution : la vraie cause du retard.

Élasticité du verbe qui tiendra peut-être un jour
Sa promesse, libérant ma langue de l’enfermement.

   Car le poème est corps et espoir.

   futilité    frivole
   nature     nuisible

Absurde moment où la note pertinente est consacrée à disparaître
Largesse du silence, échos entremêlés de vagues états d’âmes.

   fausse    connivence

Quel est donc ce moment où l’être se détermine en tant que conscience ?

   nature,    nuisible,
   connexion,    impure,
   variable,    résolution

À coup sûr, il a ce que nous avions déjà nommé
et indiqué comme seul espace vrai, et comme telle,
la différence s’estompe…

Le bavard reprend là où l’humain est ouverture
qu’il ne défaille point dans ce qu’est sa recherche
À travers cette large couverture de velours noir étendue
Sur le lointain possible.

Secouement suivi de rupture de la toile ;
Aucune limite alors ne se durcit, sauf le regard du
Persan poète qui se pose comme seul déterminé.

   Le poème reste demeure et logis

Il ne témoigne et n’est rien que son propre étanchement
Et c’est en cela qu’il ouvre la nuit à ceux qui restent de la mémoire :
Évaluant le niveau de la nouvelle connaissance.

Visages braqués, à l’afflux sur l’horizon du possible
Transmutation d’un monde à un autre
Là où l’on construit la nouvelle demeure
Dans laquelle l’homme forcera son destin
Unique passage à cette élaboration singulière.

D’un mouvement à l’autre le regard change, interroge,
Posant le pourquoi des choses
Alors que les mots envahissent la surface
En un essaim de langage brutal
Où se découvrirait la nouvelle opportunité.
Délicate question sur le long trajet d’exil
Couloir où se jouent des festins ignobles,
Espièglerie maladroite au moment où le poème
À travers les brumes légères de l’aube naissante
Lève, grave et solitaire, le ton informant la nature
Pour que l’écho s’imprègne à l’existence présente :
Forte épuration !

Devant nous s’ouvre une fosse
Sillonnée de sentiers et de champs,
Sinueuse route où le propre de la réflexion
Est empreint de la pensée des anciens,
Parcours qui n’est vécu que par des initiés.

Sur le visage de la vieille, les maux s’imprègnent,
S’expriment avec éloquence.

Repère de recoins sombres sur le visage ridé
Le poète, troublé par ce qu’il appréhende
Cherche à persuader son peuple sur l’immense
Débauche vers laquelle il se dirige dans les profondeurs de la nuit.

Vieille cité des Lutins

   Monde    phosphorescent

Sur le grand chemin où s’accomplit la rigueur
Lieu où tout reste en place ...

Pénétration d’un nouveau corps.
Invention d’une nouvelle approche
Noyautage des denrées
Alors que tout un peuple rumine en silence
Les lourdes erreurs du passé.
Le poète, calme et serein,
Se tourne vers le visage de la vieille,
Le couvre d’une large feuille de nénuphar
Aussitôt, surgit de dessous les feuilles l’enfant

Qui parle avec sa voix d’enfant :
O toi porteuse du message, tourterelle au plumage luisant,
Envole-toi vers d’autres extrêmes
Enseigne le langage du pardon !
Au bout de la vie évanescente, laisse venir
L’occasion du renouvellement
Pour que se rassérènent nos douleurs.


© Sidy Lamine Diarra

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- Notice -

Né au Mali, Sidy Lamine Diarra était poète et comédien. - Arrivé en France pour étudier les mathématiques, il découvre le théâtre, écrit des poèmes, des pièces de théâtre et joue au cinéma. - Le poème de Sidy Lamine, Chant d'Exil, débute sur une tension, qui n’est plus lâchée ensuite, entre langue et histoire, emprise des mythes à travers la pensée contemporaine, harmonie de la langue écrite et dénonciation de la trop vaine séduction. Le style pousse parfois en des recoins insoupçonnés de la syntaxe, sans cesser de poursuivre la pensée ici mise en œuvre. Ce texte a inspiré des accompagnements musicaux, notamment par Roger Ychaï et Steve Potts. 

(notice et photo : Grégoire Lyon)

 

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