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SAID

Landschaften einer fernen Mutter
(Paysages d'une mère lointaine)
(C.H.Beck éditeur)

 

Ce court texte narratif est écrit par un Iranien, né en 1947 à Téhéran, et vivant en Allemagne fédérale depuis 1965. Suivant la mode lancée par Bertold Brecht (Arbeitsjournal), l’écrivain n’utilise aucune majuscule et son écriture mélange l’onirisme, la poésie, la narration, la réflexion politique et l’univers des ressentis.

Il ne fait aucun doute que la figure du narrateur - qui raconte à la première personne et la plupart du temps au présent - et celle de l’auteur coïncident: il s’agit d’une forme très intéressante d’autobiographie, qui retrace plus précisément les retrouvailles entre une mère et son fils, à Toronto, trois semaines durant, en mai 1990.

Le narrateur (l’auteur) est en exil en Allemagne; ayant combattu le régime du Chah, il combat également celui des Ayatollahs. Il n’a pratiquement pas connu sa mère, qui s’est remariée avec un autre homme, alors que son père, un officier de l’armée iranienne, est décédé d’une crise cardiaque; cependant, l’auteur rêve - et rapporte le récit de ce rêve parmi d’autres - qu’il s’est tiré une balle dans la tête à cause de la pression que les services secrets exerçaient sur lui, au vu des activités "subversives" de son fils à l’étranger.

Les diverses étapes de sa vie de militant apparaissent alors, et la rencontre avec son père à Paris, en juin 1968, est relatée sur le fond de réflexions politiques nourries par la révolte de la jeunesse occidentale.

Le plus grand soin est apporté à l’écriture, à l’expression de ces ressentis qui n’appartiennent pas aux catégories traditionnelles des sentiments; l’auteur (le narrateur) n’est pas seulement un opposant politique qui a perdu sa terre et sa mère - ce paysage lointain et tant affectionné - mais il est également le citoyen d’un pays d’adoption, l’Allemagne, un pays froid, réputé raciste, avec une histoire lourde à porter, à supporter; il y a fait sa vie, appris et étudié la langue, la littérature; et il s’exprime dans cette nouvelle langue, cherche à y "habiter en poète"...

Ses ressentis très divers, parfois contradictoires, trouvent dans la recherche de formes nouvelles - qui caractérisent si souvent les œuvres narratives des poètes, comme le Malte de Rilke - des possibilités d’expression inespérées. Il y a le manque d’amour, les divers irrespects, mais aussi la recherche orientale de plénitude; les diverses rancunes, le sentiment d’injustice se conjuguent avec l’acceptation du destin, l’esquisse d’un sourire...

C’est un beau livre, un livre plein, qui mérite d’être publié en France, à l’heure où nous vivons. Le lecteur y trouvera ses propres angoisses, si loin et si proches de celles du poète. Mais il y trouvera également des "remèdes", ou plutôt des moyens d’affronter les effets pervers de notre monde où les contrôles, s’ils sont toujours plus subtils et imperceptibles, continuent d’exercer une influence occulte sur nos vies, ce monde où de jeunes gens se font enfermer pendant des semaines sous le regard des caméras de télévision...

On y rencontrera surtout un homme, à la fois dans sa singularité et dans ce générique humain qui nous lie tous et qui, justement, n’a rien à voir avec les origines, ce terrible prétexte qui justifie aujourd’hui les pires persécutions et massacres.

C’est un livre qui ne "lâche rien". Pas même l’optimisme et l’espoir...

 

Site de l’éditeur
http://www.beck.de