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Légende: >Mardi 1er avril. Le corps d'un enfant tué dans les combats au sud de Bagdad. Selon la Croix-Rouge, "notre équipe de quatre personnes s'est rendue à l'hôpital d'Al-Hillah, au sud de Bagdad. Ce qu'elle a vu là-bas est une véritable horreur. Il y a des dizaines de corps déchiquetés". "Il s'agit de femmes et d'enfants. Tous sont des civils, des agriculteurs et leurs familles qui se trouvaient dans leurs champs ou chez eux", a poursuivi le porte-parole du CICR dans la capitale irakienne. Selon le directeur de l'hôpital d'Al-Hillah, Mourtada Abbas, 33 civils, dont des enfants, ont été tués et 310 autres blessés dans un bombardement mardi matin sur Al-Hillah.<

9.45. Batignolles. J'écoute la radio depuis un moment. On parle de cette photo. Libération la présente comme une "photo difficile". On voit qu’une couverture cachait le petit corps meurtri. Quelqu'un l'a enlevée. Le photographe? Un passant en colère? On sait que cette photo fera le tour du monde. On le sait en appuyant sur le déclencheur. Les gens la regarderont. Ils sauront qu'il ne s'agit pas d'une guerre propre. Il n'y a pas de guerre propre. La dernière "guerre propre" a coûté 140.000 vies au peuple irakien. Deux stades pleins à craquer…

9.58. France-Info. CAC40 : +2,54%. Hausse générale sur les places européennes. - Titres: L'armée américaine reprend sa progression. "Le verrou Kerbala est tombé". L'absence de Saddam Hussein (à la télévision, hier) crée une nouvelle rumeur sur son "réel état de santé". Rumsfeld (secrétaire américain à la Défense): "C'est intéressant"... (!)

10:23. Ce matin tôt, j'ai entendu à nouveau un commentateur dire à la radio qu'en temps de guerre, les informations sont une arme essentielle. Elle est utilisée par tous ceux qui sont engagés dans le conflit, de près ou de loin. Ainsi, beaucoup de journalistes sont (à leur insu ou en toute conscience) devenus des instruments. Et j'ai trouvé la réponse à ma question d'hier : j'écris ce journal pour conserver une trace de cette "instrumentalisation"... Depuis longtemps, on fait le constat de l'aliénation qui traverse nos sociétés; mais ce constat n'a pas empêché les "fausses consciences" de sévir...

17:05. Croisé une envoyée spéciale de France 2, Maryse Burgos (récemment à Bagdad), qui sortait avec ses paquets d'un supermarché parisien. Mais, à mon grand soulagement, aucun B 52 n'est apparu à l'horizon. D'ailleurs, le groupe rock (pop?) du même nom annule sa tournée européenne. Tant pis ou tant mieux, selon les goûts. Et l'artiste de variétés Madonna prive ses fans du clip anti-guerre qu'elle a tourné avant l'intervention militaire. Elle pense que sa diffusion serait inopportune, en ce moment. Selon une amie, il paraît qu'en Amérique vous êtes pour Bush ou alors (traités de) communiste. Le tiers est exclu. C'est ce qui s'appelle une démocratie. Il est vrai qu'en France, l'année dernière à la même époque, on avait le choix entre Le Pen et Chirac. Ce qui n'est pas non plus un modèle de représentation populaire. - La Une du Monde, cet après-midi : "Guerre pour Bagdad, victimes civiles". La page 2 retranscrit des extraits de l'appel lu hier, mardi 1er avril, par le ministre irakien de l'Information au nom de Saddam Hussein, qui se conclut ainsi: "Combattez-les (les agresseurs de l'Islam) !... Ne leur laissez pas l'occasion de reprendre leur souffle, jusqu'à ce qu'ils se retirent, bredouilles et maudits, des terres des Musulmans. Vive notre nation glorieuse. Vive la Palestine libre et arabe. Vive l'Irak. Maudits soient les criminels." - Je trouve que les tenants et aboutissants de cette nouvelle flambée de violence demeurent dans un étrange clair-obscur, un peu comme le ciel de Paris aujourd'hui. D'un côté, on sait que l'administration Bush a initié ce conflit pour des raisons très matérielles, et il ne s'agit pas uniquement de pétrole. De l'autre, il y a ce paravent de moralité, de part et d'autre. L'honneur et la fierté. Le mythe du combat juste. Or, si les pays arabes ne veulent pas de démocratie à l'Américaine, c'est leur droit le plus absolu, qui participe du droit des peuples à choisir leur destinée. Leur en imposer une autre, cela constitue un délit d'ingérence. Les injustices de la décolonisation du Proche et du Moyen-Orient, semblables à celles commises en Afrique ou de manière générale en Asie, semblent aujourd'hui atteindre leur paroxysme. La référence au sort des Palestiniens n'est pas innocente dans ce contexte : ce peuple a en effet été victime d'une décolonisation à la sauvette, donnant à Pierre la terre de Paul (ou l'inverse). - Lundi soir, dans l'émission Mots croisés  déjà mentionnée, Olivier Besancenot (LCR) a répliqué à un Bernard Kouchner pris par un délire de légitimation de cette guerre tout à fait étrange pour quelqu'un qui en a vu les effets catastrophiques en sa qualité d'administrateur "onusien"  de Bosnie (et surtout comme médecin): "Est-ce que vous nous accordez le droit d'être contre la guerre sans pour autant nous accuser d'être avec Saddam Hussein?"

17:29, BFM. Forte mobilisation pour la journée nationale d'action pour les retraites. 70% des vols annulés à Roissy et Orly. - Les bombardements continuent en Irak…

17:58, France Info. Le CAC40 clôture à +1,63% (Dow Jones : +0,04). - Titres. Galère pour les usagers des transports en commun. George W. Bush vient de déclarer : L'étau se resserre sur Bagdad… Les jours du régime sont comptés…

18:05, R T L. Correspondant au Qatar (QG américain): Il n'y aurait plus de direction dans l'armée irakienne… La Garde républicaine n'aurait plus le moral… - Présentateur: 9000 prisonniers irakiens selon le ministère de la Défense britannique… - Porte-parole de la Croix-Rouge: Le premier camp que nous visitons contient plus de 3000 personnes… - Colin Powell à Bruxelles. "Après-guerre": Selon l'Europe (GB comprise), le rôle (d'administrateur provisoire de l'Irak) doit revenir à l'ONU… - 60% de confiance à Chirac (selon la SOFRES, un gain de popularité de + 5%).

18:13, Europe 1. L'aéroport (international de Bagdad) toujours sous contrôle irakien à l'heure qu'il est. G.W. Bush: "As the forces advance, we learn more about the atrocities… We will not stop until Iraq is free…" Présentateur: "À Bruxelles, l'opération réconciliation a été lancée…"

18:36, France 5. Débat (en direct) intitulé : Et maintenant Bagdad… Un général (expert en stratégie): Le but du contrôle américain du Kurdistan est de contrôler ce que font les Turcs et ce que font les Peshmerga, et non pas d'ouvrir un axe vers Bagdad… - Un professeur de médecine (militaire) : Le ramassage (des soldats blessés) sur le terrain par des médecins formés est très important… Il faut faire des gestes rapides, sûrs… Les soldats sont reçus essentiellement pour des lésions des membres… parce qu'ils ont des protections (sur les autres parties du corps)… les civils aussi (sont reçus essentiellement pour des lésions des membres), mais pas pour les mêmes raisons : avec une lésion à l'abdomen, à la tête (…), on meurt sur le terrain (!)… (à propos des bombes à fragmentation:) Déposées au sol, elles se comportent comme des mines, et aussi comme des grenades… elles peuvent multi-perforer les blessés (!)… ça pose des problèmes de traitement (!)… - Le général: La vraie crainte, c'est l'utilisation des feddayin dans les zones où l'on croit que les combats sont finis… L'émission finit sur des images "reçues à l'instant" de l'entrée des troupes américaines dans Nadjaf. On aperçoit des scènes de liesse autour des tanks.

19:27, France 3. Présentateur: La progression des Américains vers Bagdad se confirme, ils seraient tout près de l'aéroport (international de Bagdad) et à 15 km du centre-ville. - Reportage sur la grève dans les transports français. 19:36. Envoyée spéciale à Bagdad: Désormais, la ville vit dans l'obscurité, c'est la première fois depuis le début de la guerre… - Bruxelles: Colin Powell lance un appel à l'unité… Prudence sur la collaboration avec l'O.N.U… Un conseiller du Pentagone: "L'ONU n'est pas efficace pour protéger les populations, on a vu ça à Srebreniča…"

19:55, Arte. À Bruxelles, Joschka Fischer (ministre allemand des Affaires étrangères, Les Verts) se déclare satisfait de la reprise du dialogue Europe - USA. Gerhard Schröder (chancelier, SPD) propose une force d'intervention européenne; elle ne serait pas en contradiction avec (celle de) l'OTAN.

20:00, T F 1. Correspondante: La 3e division d'infanterie ouvre la voie vers Bagdad… Des combats particulièrement violents, ce matin… Un déluge de feu au Sud-Est de Bagdad… Images contrôlées par le Pentagone : (...) images fixes pendant une demi-heure, sans que l'on voie le paysage défiler… - Envoyé spécial: Rien ne laisse à penser que l'aéroport (périphérie Sud-Ouest de Bagdad) est sur le point d'être pris… Ministère irakien de l'Information (en réponse aux déclarations américaines sur la position des troupes): "Idioties…" - Envoyé spécial (en direct): Depuis plus d'une heure, des frappes… nous sommes dans le noir complet… pour l'instant, pas de détonation particulière… - Reportage sur le réseau de bunkers de Saddam Hussein, construit à l'exemple de celui de Moscou. Un agent russe: "Il ne reste jamais au même endroit très longtemps…" - Images de Nadjaf investie. Il y aurait un abîme entre la population et l'armée américaine. - Bassora résiste. Un officier (britannique) parle de "cauchemar" à propos des combats. Commentaire: "Le siège s'annonce long et meurtrier."

20:14, France 2. Un reportage sur la défense de Bagdad par l'envoyée spéciale de la chaîne. Un homme: "Qu'ils arrivent, on a pas peur…" Un religieux du quartier: "Notre combat est pour notre terre, pour notre honneur." - Un reportage sur la route de Bagdad avec le convoi américain par deux envoyés spéciaux (un homme et une femme) de la chaîne. Conclusion (de la femme): "La population irakienne n'est pas la priorité des Américains qui avancent vers Bagdad."(!) - Présentateur: Nassiriya, Oum Qasr, c'est une opération séduction lancée par les Américains. Envoyé spécial à Bassora: "Avant de mourir ou de s'enfuir, les miliciens de Saddam ont incendié ces pipelines…" - Euphorie aux États-Unis. À Washington, le temps est quasi estival. Le sauvetage de Jessica Lynch passe en boucle sur les chaînes de TV. Bush: Nous n'acceptons qu'une chose : la victoire finale et complète.