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SKARLET : “Médialectiques” (2)

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Auschwitz, live
jeudi 27 janvier, 14:00 - 17:00

Après la diffusion intégrale sur la chaîne publique France 3 de Shoah (France 1985, Claude Lanzmann, 9h30) dans la soirée et la nuit du lundi 24 janvier; la programmation sur la chaîne culturelle franco-allemande Arte du téléfilm Holocaust (USA 1978, Marvin Chomsky, 7h) en quatre parties, ce même lundi (jusqu’au jeudi 27) à 20:45, suivi mardi 25 par le documentaire Hollywood et la Shoah (USA/GB/RFA 2004, Daniel Anker, Sidney Lumet, Steven Spielberg, Branko Lustig, Rod Steiger, 90 mn), mercredi 26 par le surprenant document Falkenau (Samuel Fuller/Emil Weiss, 1945/2004, 40 mn) et jeudi 27 par les souvenirs poignants du déporté Joseph Bialot, auteur du livre C’est en hiver que les jours rallongent (Seuil, film au titre éponyme, France 2004, François Chayé, 55mn); la diffusion sur la chaîne commerciale TF1 de la version courte du documentaire Auschwitz, la solution finale (BBC, 2005, sous la direction de l’éminent spécialiste anglais Ian Kershaw, 2 x 90 mn sur les 6h de la version intégrale) mardi 25 et mercredi 26 en deuxième partie de soirée vers 23:00, précédé mercredi soir par la présentation en direct du journal de 20 heures depuis Oswiecim, conclu par le très surréaliste sourire navré de Patrick Poivre d’Arvor qui apparait sous la très cynique inscription „Arbeit macht frei" (le travail rend libre) surplombant l’entrée du camp d’extermination, les téléspectateurs en France, comme dans tous les autres pays d’Europe, probablement, sont invités à assister ce jeudi après-midi entre 14:00 et 17:00 à la cérémonie commémorative du soixantenaire de la libération des camps d’Auschwitz et de Birkenau par l’armée soviétique, retransmis simultanément sur TF1 et France 2 : Auschwitz, live.

Remarquons que beaucoup de ces programmes passent à des heures de plus faible écoute, plutôt inaccessibles à ceux qui travaillent ou étudient, comme la cérémonie de cet après-midi et tous les documents, dont notamment les 400 dernières minutes de Shoah programmées entre minuit et six heures du matin. On eût préféré voir l’enquête indispensable de Lanzmann sur trois ou quatre soirées, à la place du feuilleton assez médiocre Holocaust, auquel on peut reprocher un conventionnalisme inapproprié face à une „expérience" comme celle-ci dont beaucoup de rescapés ont souligné le caractère indicible, voire „immontrable", ce qui exigerait l’élaboration de formes narratives, visuelles, sonores adéquates. De plus, tout est fait, dans le découpage de cet épos dont l’action se déroule sur plusieurs scènes à la fois selon les standards télévisuels d’aujourd’hui, inaugurés entre autres par les interminables feuilletons Dallas ou Dynastie (tournés à la même époque), pour préparer aux coupures publicitaires qui, s’ils n’existent pas sur Arte, avaient donné lieu, lors de la première diffusion américaine, à de vives critiques évoquant une „commercialisation de la Shoah", quand bien même ce programme aurait fait „prendre conscience au peuple américain de la barbarie nazie"; on pense alors à cet autre film américain avec Rod Steiger sponsorisé par une compagnie de gaz : lors de sa diffusion, on avait éliminé de la bouche des acteurs le mot „gaz" associé aux chambres d’extermination. Dans ce contexte, il convient de souligner que l’excellent documentaire de la BBC sur TF1 n’a pas été interrompu, à titre sans doute très exceptionnel, par des „pages de publicité", même si les spectateurs n’ont pu voir qu’une version courte (3h sur les 6h diffusées par la chaîne câblée Histoire) de cette oeuvre dont l’élaboration a, dit-on, pris une quinzaine d’années.

Mais venons-en à la cérémonie de cet après-midi : il s’agit d’une longue suite de discours, retransmis en direct de Birkenau (le principal lieu des assassinats, sis à 3 km du camp de base - Stammlager - d’Auschwitz), tenus par d’illustres orateurs dans un décor résolument glauque et enneigé, par un froid peu propice à ce genre d’exercice, devant un parterre de personnalités, dont le visage par moments étrangement crispé du président français Jacques Chirac qui n’interviendra pas ici.

TF1 fait précéder le direct par un historique musclé : l’un de ces speakers contemporains, dont la diction professionnelle peut indifféremment faire état du parcours d’un serial killer, résumer une rencontre sportive ou vanter les mérites d’une nouvelle technologie, nous raconte en condensé la „solution finale" sur les images récurrentes de corps décharnés qu’une pelle mécanique roule dans la fosse.

Puis les orateurs en direct qui, pour la plupart, ne parviennent pas à abandonner le niveau habituel et programmé des discours officiels face à l’innommable. Certains comme le président russe Vladimir Poutine ou le président israélien Moshe Katsav se montrent plus pragmatiques que d’autres, tels l’ancienne déportée et ministre Simone Veil ou l’archevêque de Paris d’origine juive Jean-Marie (Aron) Lustiger. Les premiers font référence à la situation actuelle, respectivement au terrorisme (sous-entendu tchétchène) et à la menace (sous-entendu „arabe") pesant sur Israël. D’autres ont la parole un peu moins facile. On remarque les hésitations et brisures dans l’allocution de Mme Veil et la voix caverneuse du cardinal Lustiger lors de la prière oecuménique (juive, catholique, orthodoxe, protestante) qui suit l’exercice rhétorique des officiels. Parmi eux, Romani Rosa, le représentant des Sinti et Roma („tsiganes") allemands, seul à utiliser la „langue des tortionnaires", et l’hôte de la cérémonie, le président polonais Aleksander Kwasniewski qui parle du „plus grand cimetière du monde sans tombes" : ils ont paru un peu moins figés, un peu plus vivants.

Les officiels sont ensuite appelés à déposer, sous l’oeil de la garde polonaise armée de baïonnettes, de petites bougies bleues et à s’incliner devant les plaques commémoratives rédigées dans toutes les langues naguère parlées par les quelque 1 500 000 êtres humains qui ont été assassinés ici, après avoir subi tortures, exploitations bestiales (comme ces „Juifs de travail" ou „Sonderkommandos", forcés à entraîner dans la chambre à gaz puis à brûler les corps de leurs semblables et quelquefois de leurs proches), humiliations et mensonges sans nom dans un climat de violence inouïe créé par les „fonctionnaires de la mort".

Tous les pays européens sont représentés. L’Allemagne aussi. Par Horst Köhler, son président à la fonction plutôt honorifique, et non par son premier homme d’État, le chancelier Gerhard Schröder. Dans un mutisme dont on peut se demander s’il était de circonstance. Peut-être. Cependant, un pardon adressé aux victimes de la part des Allemands eût été courageux car risqué devant une assemblée de survivants en leur bon droit de répondre par un „scandale". Mais l’étiquette avant tout, brièvement interrompue par une Israélienne déportée, „non prévue au programme", qui insiste sur la puissance militaire de l’État hébreu contemporain. A ce moment précis, on ne peut malheureusement pas s’empêcher de penser au sort actuel des Palestiniens et à ce nouveau mur des lamentations en béton. - Par ailleurs, le président américain George W. Bush, fraîchement réélu malgré le désastre irakien, a préféré dépêcher son vice Dick Cheney. Quant à la révérence du président italien Silvio Berlusconi, resté muet lui aussi, ce n’est qu’un hochement de tête furtif.

Enfin, les rails qui mènent au camp de la mort, désormais transformé en „musée de l’horreur", donnant lieu à un tourisme croissant „à but éducatif", sont illuminés par les artificiers polonais. Le bruit d’un train invisible et le chant d’une chorale se font entendre. Puis une „Chanson sans paroles" accompagnée par une discrète musique électro-acoustique. Un spectacle d’une certaine justesse dans le dépouillement. Devant l’immontrable. D’ailleurs, de ces trois années d’"industrie de la mort" (selon le mot de Steven Spielberg dans le documentaire sur Hollywood), il ne subsiste que peu d’images, comparé aux standards d’aujourd’hui, comme ces quelques clichés pris par des détenus intrépides, dont quatre extérieurs photographiés à partir du Krematorium V, les seules vues connues prises durant le processus d’extermination lui-même, qui ont été montrées "en exclusivité" (alors que les images était connues) à la télévision ces jours-ci,  - le film d’un débarquement sur la rampe de sélection tourné par un SS, les "photos de chantier" de la Bauleitung SS,  les "photos d’Auschwitz", publiées dans The Album of Auschwitz (éd. Israel Guthmann, Bella Guterman, Yad Vashem, Israël 2002), vraisemblablement prises par deux Scharführer SS, ainsi que les clichés russes faits lors de la libération du camp.

Black out.

Et, déjà, la nuit tombe sur Birkenau. Le froid a fini par chasser un grand nombre des 10 000 invités, dont beaucoup d’anciens déportés, certains ayant arboré la coiffe aux rayures bleues et blanches des Häftlinge, d’autres montré les images en noir et blanc des membres de leur famille assassinés ici.

Alors, quelques précieuses minutes durant, les infatigables commentateurs se taisent, laissant la place à la mémoire, aux flammes montrées en gros plan par les réalisateurs de la TV polonaise, et au silence des morts.


          Birkenwald 1944 (Sipa / sur le site du Nouvel Observateur)

L’entreprise de destruction massive du peuple juif (entre 5 et 6 millions de morts) et des gens du voyage (environ 250 000 tués sur une population de 1 000 000) perpétrée par l’Allemagne "national-socialiste" reste unique dans l’Histoire, même si elle avait été précédée par d’autres génocides comme celui des Amérindiens et des „aborigènes" d’Australie, la mise en esclavage et les tueries sans nom qui ont décimé et humilié les peuples d’Afrique, l’assassinat méthodique des Arméniens; même si elle avait été accompagnée et suivie par les goulags meurtriers de Staline, les massacres des Cambodgiens, des Tutsis. Et c’est là une liste à jamais incomplète.

Je ne veux pas défendre le "peuple allemand". Personne ne le peut. Mais il se trouve que ces Allemands fascistes et racistes des années 1930 et 1940 (comme les colons européens et les esclavagistes un peu partout dans le monde, les Turcs de 1915, les Soviétiques sous Staline, les Khmers rouges sous Pol Pot, les Hutus de 1994, et tant d’autres dépeupleurs) appartiennent à cette seule et même espèce, née en Afrique orientale et autoproclamée „Homo sapiens sapiens", qui a ensuite colonisé tous les recoins de "notre" planète. Et cette espèce a décidément quelque chose de monstrueux, de profondément „barbare", ne tolérant aucune différence, aucune altérité, à l’intérieur et à l’extérieur de son „clan", de son "peuple", de sa „nation", de sa „patrie", entités ô combien fictives, arbitraires, opportunistes. - Alors, quelquefois, je me prends à penser que cette intolérance fondamentale, si elle n’a pas comme souvent une origine économique et politique, doit être „génétique" ou plus précisément „phylogénétique", ne serait-ce que par son côté profondément irrationnel, "viscéral". Ainsi, les paléontologues ont retrouvé un grand nombre de Néandertaliens aux crânes fracassés. On pense aujourd’hui que cette espèce, sans doute au moins aussi „intelligente" que la nôtre, s’est tout simplement „éteinte". Je n’en suis plus si sûr. Car comment est-ce possible que tous nos „cousins" (comme homo habilis, homo erectus et d’autres) n’aient eu aucune descendance? Comment est-ce possible que notre espèce, seule survivante de „l’aventure humaine", détruise ses propres membres avec autant de persévérance, que l’homo technologicus éradique les „peuples naturels", la faune, la flore, toute "différence" avec la plus grande application et la meilleure conscience du monde?  -  Non incompatible avec celle-ci, une autre thèse soutenue par le regretté Dietmar Kamper (dans le sillage de l’essai incontournable de Sigmund Freud, Le malaise dans la civilisation, Das Unbehagen in der Kultur, 1930), veut que cette "barbarie humaine" soit intimement liée au procès même de la civilisation. Sans culture, point de barbarie: "Au temps de l’oubli, les massacres perpétrés par la civilisation ont été mis sur le compte d’une barbarie des commencements, qui n’avait jamais existée." (Dietmar Kamper, Sept thèses bannies sur l’art, la terreur et la civilisation, 2001)

Il n’empêche : l’extermination méthodique des Juifs d’Europe décidée lors de la conférence de Berlin-Wannsee par les dirigeants nazis en janvier 1942 (mais programmée de longue date et "expérimentée" dès avant l’été 1941), puis scrupuleusement mise en pratique par leurs hommes de main jusqu’à la fin du régime en mai 1945, reste unique en son genre, notamment par son „organisation", son caractère industriel et technologique, voire „scientifique", son efficacité meurtrière, l’absence totale d’émotions chez les petits et les grands bourreaux, les aiguilleurs, les conducteurs de train, les petits fonctionnaires de la mort comme les grands dirigeants et „décideurs". - Personne, ni même Ian Kershaw dans son important travail (tome 1 : Hitler 1889-1936, Hubris, Londres 1998; tome 2 : Hitler 1936-1945, Nemesis, Londres 2000) n’a pour l’instant une véritable explication pour ce qui s’est passé dans cette Allemagne, qui a vu naître tant de poètes, de philosophes, de musiciens, de peintres et d’esprits révolutionnaires (comme Georg Büchner, Henri Heine, Karl Marx au XIXe siècle). Bien sûr, l’exclusion, la ghettoïsation, les assassinats des Juifs ont une longue histoire en Europe, certains pogroms de ceux que les chrétiens appelaient le "peuple déicide" ayant eu lieu dès les 12e et 13e siècles en pays cathare lors de la chasse aux "hérétiques". Et les pamphlets racistes "modernes" (influencés par les découvertes de Darwin, qu’ils réinterprètent à leur guise) connaissent une diffusion importante dès le XIXe siècle (notamment avec Gobineau en France, avec Houston Chamberlain en Angleterre, puis en Allemagne, après son mariage avec la fille Wagner). - Mais pourquoi ce paroxysme de la haine, de la destruction, du massacre quasi "industriel" dans l’Allemagne des années 1930 et 1940 ? On ne peut que reposer sans cesse la même question.  Car toutes les réponses paraissent inappropriées. Celle de Kershaw dans l’épilogue de l’opus cité, qui voit dans la personne de Hitler le principal responsable de ces actes sans précédent : (...) "à juste titre, le nom d’Hitler désigne de toute éternité l’instigateur principal du plus profond effondrement de la civilisation à l’âge moderne (...) - Hitler a été l’auteur principal d’une guerre, qui a fait plus de 50 millions de morts, (...) l’inspirateur le plus important d’un génocide comme le monde n’en avait jamais connu (Kershaw, op. cit, tome 2, épilogue III). Quant à la thèse de Goldhagen (1996), qui incrimine le petit peuple allemand, son caractère exclusif lui enlève toute sa crédibilité, quand on a eu des échos de ce que fut la vie dans l’Allemagne fasciste pour "l’homme de la rue", auquel un simple salut à un voisin juif pouvait être fatal, - petit peuple réduit à l’impuissance, terrorisé, muselé, manipulé par une propagande incessante. Ce qui n’excuse rien du côté des enthousiastes, des sympathisants, des opportunistes, des délateurs, des vandales, des incendiaires, des bourreaux, bien sûr. Mais les résistances au sein d’un régime aussi totalitaire et puissant que l’Allemagne sous Hitler étaient d’entrée de jeu condamnées, à l’image du mouvement des étudiants résistants conduits par Hans et Sophie Scholl en 1943 (Die weisse Rose, La Rose blanche) ou du groupe d’officiers réunis autour du comte von Stauffenberg, qui avaient perpétré l’attentat (manqué, bien sûr) du 20 juillet 1944 contre le "Führer". - En l’absence de réponse, on peut toujours évoquer la situation qui aura mené à la catastrophe allemande : les réparations exorbitantes imposées par le Traité de Versailles (1919)  à la jeune République de Weimar (avec son président socialiste Ebert au pouvoir de 1919 à 1925) et les voix revanchardes après la défaite de la Première guerre mondiale imposée aux peuples par des dirigeants réactionnaires, des industriels sans vergogne (Krupp, Schneider, Thyssen...) et deux empereurs anachroniques (François-Joseph Ier d’Autriche & Guillaume II d’Allemagne qui, démissionné par la Révolution allemande de 1918 et fumant du haschisch dans son exil hollandais, alla jusqu’à proposer ses services à Hitler), les crises économiques, allemande en 1923 puis mondiale en 1929, le chaos politique en Allemagne au début des années 1930 (4 chanceliers se succèdent en deux ans), le refus des communistes à jouer le "jeu démocratique" : votes communistes et socialistes réunis, la gauche allemande obtenait encore plus de 36% des voix aux dernières élections libres de novembre 1932 contre 33,1% pour le NSDAP puis toujours le résultat surprenant de 30,6% des voix en mars 1933 dans les conditions de la terreur, de la propagande et de la manipulation des nazis au pouvoir, qui ne leur valurent pourtant "que" 43,9% des voix, auxquels devaient s’ajouter les 8% de leurs partenaires de coalition nationalistes pour obtenir la majorité au Reichstag (qui venait d’être incendié); il ne faut pas non plus oublier les 6 millions de chômeurs qui erraient dans les rues des villes après des crises successives dont aucun gouvernement allemand n’avait su atténuer les effets désastreux sur la population. Mais tout cela n’explique toujours pas la genèse et la mise en oeuvre méticuleuse d’un univers concentrationnaire quasi industriel qui, il est vrai, n’a atteint sa véritable "dimension" qu’après l’invasion de la Pologne et la déclaration de guerre en 1939 pour toucher le fond de l’abîme après l’attaque de l’URSS et l’entrée en guerre des USA en 1941. C’est-à-dire quand les dirigeants nazis les moins butés savaient que la guerre allait être perdue. Dans les faits, et pour les plus obtus, il aura fallu attendre la bataille de Stalingrad (capitulation allemande fin janvier/début février 1943), même si la machine de propagande continuait de tourner à plein régime avec la "guerre totale" ("Wollt ihr den totalen Krieg?") prônée par Goebbels au Sportpalast de Berlin, déniant jusqu’au bout l’évidence de la défaite allemande, des horreurs commises, envoyant au casse pipe enfants, femmes et vieillards, continuant d’assassiner en masse et de plus belle tous les "indésirables" (Juifs, Gens du voyage, Résistants, Soldats russes, Polonais, Homosexuels...). - Pourquoi ? Why ? Warum ?


         Ulrich Härter : Passion 2

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