SKARLET : “Médialectiques” (6) El Djezaïr - Algérie Hier soir, entre 23:00 et 1:40, France 3 a rediffusé le documentaire Algérie 1988-2000, autopsie d’une tragédie (Malik Aït-Aoudia & Séverine Labat, France 2002). Malgré l’heure tardive et la conviction d’avoir déjà vu des passages du film, je suis resté devant l’écran 160 minutes durant pour suivre l’évolution en effet terrible dans ce pays. - Le document retrace les événements depuis les révoltes de la jeunesse en octobre 1988 jusqu’à l’arrivée au pouvoir en 1999 du président actuel A. Bouteflika, ancien ministre des Affaires étrangères, en passant par la montée des prêcheurs du FIS, dont le maniaque Ben Hadj, le raz-de-marée électoral en leur faveur fin 1991, interrompu par le pouvoir après le premier tour face à la menace d’une prise de pouvoir "intégriste" au second, la formation du mouvement terroriste du GIA et ses égorgements impitoyables en milieu rural ou en banlieue, ses kamikazes à Alger ou à Paris, ainsi que l’avènement du réformateur Boudiaf assassiné à peine six mois plus tard devant les caméras, alors qu’il évoquait la "connaissance de l’Islam". - L’histoire algérienne de ces cinquante dernières années, depuis la Révolution du 1er novembre 1954, est une succession de souffrances tant spirituelles que physiques pour le peuple : la guerre de huit ans d’abord qui se conclut par l’Indépendance tant espérée en 1962, la prise en main ensuite de l’Algérie par la ligne dure du FLN avec la destitution d’Ahmed Ben Bella par Houari Boumedienne en 1965, qui n’aura pas mis fin au musellement, à l’infantilisation et aux humiliations dont le peuple algérien avait été la victime durant les quelque 130 ans de colonialisation française (déclenchée par le débarquement de Sidi Ferruch en 1830) ni apporté une authentique liberté d’expression au pays, condition sine qua non à une autoréflexion et une véritable recherche d’identité, indispensables après une aussi longue aliénation coloniale; d’ailleurs ce n’était pas la seule puisque le premiers habitants du djezirat el Maghreb, les "Berbères" ou Imazighen (Kabyles, Touaregs, M’zabites ...), avait subi dès après la naissance de l’Islam (622/632) la colonisation arabe (par les Ommayades jusqu’en 750, puis les Abbassides) et ensuite turque (par l’empire ottoman au XVIe siècle), sans oublier les invasions et les occupations antérieures par les Phéniciens (dès 1200 avant notre ère), puis par les Romains depuis la chute de Carthage en 146 avant notre ère jusqu’au Ve siècle, quand l’Empire avait déjà adopté le christianisme (Saint-Augustin fut l’évêque de Hippo Regius jusqu’en 430) et que les Vandales s’emparèrent du pays. - Mais laissons là l’histoire. Qu’en est-il du présent, de ce temps présent ouvert sur l’avenir ? L’Algérie est un pays potentiellement riche avec les trésors que recèle le sous-sol du Sahara. Et sa population est jeune, très jeune, en prise pourtant avec deux dinosaures : d’un côté, le pouvoir politico-militaire qui n’a toujours pas fait sa "perestroïka" et mis en route un processus réellement démocratique; de l’autre, un islamisme radical et fanatique qui continue de s’opposer à toute modernisation des modes de vie et de pensée. Bien sûr, l’Algérie est un pays à très forte tradition musulmane comme l’Europe reste toujours majoritairement chrétienne. Mais ce n’est pas là le problème : le christianisme actuel a intégré la laïcité, admis d’autres religions et même la possibilité existentielle d’être athéiste ou "libre penseur", ce qui n’empêche pas les uns d’aller à l’église et les autres d’admirer les chefs d’œuvre de l’art roman et de la Renaissance chrétienne. - Faut-il rappeler aux Islamistes radicaux la grande civilisation arabe, sa tolérance, son éclectisme, son ouverture sur le monde ? Les héritiers de cette civilisation, au lieu d’ignorer l’effondrement dont elle a été victime et la coupure séculaire qui s’est alors installée tel un Moyen Age, ne mériteraient-ils pas eux aussi une Renaissance créative et actuelle, et non ce soi-disant retour aux sources qui n’est en fait qu’une seconde infusion réactionnaire, castratrice, anachronique ? Du côté des hommes de pouvoir, il manque sans doute un Gorbatchev algérien, quelqu’un qui comprendrait qu’il serait temps de redonner la voix au peuple quand les institutions poussiéreuses et le bureaucratisme sénile ne font que pousser du côté de l’inertie ces énergies populaires qui n’ont jamais été aussi avides d’expression et d’action. - C’est peut-être de l’idéalisme. La Russie actuelle n’est sûrement pas un exemple de perestroïka réussie. Mais à ce compte-là, on peut toujours embrayer sur le malheur, la misère du monde et l’inaptitude humaine à construire un univers paisible ou tout simplement "viable". Et tout ceci n’est bien sûr que l’avis d’un "Roumi" qui ne comprendra jamais vraiment l’Algérie, même s’il aime ce pays et son peuple pour avoir découvert sa beauté et sa générosité à travers ses yeux d’enfant.
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