PIERRE JAVELOT /ARTHUR RIMBAUD La Voie de Ménélik (1) Rimbaud au
directeur du Bosphore Égyptien De retour d'un voyage en Abyssinie et au Harar, je me suis permis de vous adresser les quelques notes suivantes, sur l'état actuel des choses dans la région. Je pense qu'elles contiennent quelques renseignements inédits; et, quant aux opinions y énoncées, elles me sont suggérées par une expérience de sept années de séjour là-bas. - Comme il s'agit d'un voyage circulaire entre Obock, le Choa, Harar et Zeilah, permettez-moi d'expliquer que je descendis à Tadjoura au commencement de l'an passé dans le but d'y former une caravane à destination du Choa. - Ma caravane se composait de quelques milliers de fusils à capsules et d'une commande d'outils et fournitures diverses pour le roi Ménélik. Elle fut retenue une année entière à Tadjoura par les Dankalis, qui procèdent de la même manière avec tous les voyageurs, ne leur ouvrant leur route qu'après les avoir dépouillés de tout le possible. Une autre caravane n'a réussi à se mettre en marche qu'au bout de quinze mois et les mille Remington apportés par feu Soleillet à la même date gisent encore après dix-neuf mois sous l'unique bosquet de palmiers du village. - A six courtes étapes de Tadjoura, soit environ 60 kilomètres, les caravanes descendent au Lac salé par des routes horribles rappelant l'horreur présumée des paysages lunaires. |