PIERRE JAVELOT
/ARTHUR RIMBAUD
La Voie de Ménélik (2)

© Pierre
Javelot
Rimbaud au
directeur du Bosphore Égyptien
(Le Caire, août
1887)
(... )
Notre route est dite route Gobât, du nom de sa quinzième station, où paissent
ordinairement les troupeaux des Debné, nos alliés. Elle compte environ vingt
étapes, jusqu'à Hérer, par les paysages les plus affreux de ce côté de
l'Afrique. Elle est fort dangereuse par le fait que les Debné, tribus
d'ailleurs des plus misérables, qui font les transports, sont éternellement en
guerre, à droite, avec les tribus Moudeïtos et Assa-Imara, et, à gauche, avec
les Issas Somali. - Au Hérer, pâturages à une altitude d'environ 800 mètres,
à environ 60 kilomètres du pied du plateau des Itous Gallas, les Dankalis et
les Issas paissent leurs troupeaux en état de neutralité généralement. - De
Hérer, on parvient à l'Hawach en huit ou neuf jours. Ménélik a décidé
d'établir un poste armé dans les plaines du Hérer pour la protection des
caravanes; ce poste se relierait avec ceux des Abyssins dans les monts Itous. -
L'agent du roi au Harar, le Dedjazmatche Mékounène, a expédié du Harar au
Choa, par la voie de Hérer, les trois millions de cartouches Remington et autres
munitions que les commissaires anglais avaient fait abandonner au profit de l'Émir
Abdoullahi lors de l'évacuation égyptienne. - Toute cette route a été relevée astronomiquement, pour la première
fois, par M. Jules Borelli, en mai 1886, et ce travail est relié
géodésiquement par la topographie, en sens parallèle des monts Itous, qu'il a
faite dans son récent voyage au Harar. - En arrivant à l'Hawach, on est
stupéfait en se remémorant les projets de canalisation de certains voyageurs.
Le pauvre Soleillet avait une embarcation spéciale en construction à Nantes
dans ce but! L'Hawach est une rigole tortueuse et obstruée à chaque pas par
les arbres et les roches. Je l'ai passé à plusieurs points, à plusieurs
centaines de kilomètres, et il est évident qu'il est impossible de le
descendre, même pendant les crues. D'ailleurs, il est partout bordé de forêts
et de déserts, éloigné des centres commerciaux, et ne s'embranchant avec
aucune route. Ménélik a fait faire deux ponts sur l'Hawach, l'un sur la route
d'Entotto au Gouragné, l'autre sur celle d'Ankober au Harar par les Itous. Ce
sont de simples passerelles en troncs d'arbres, destinées au passage des
troupes pendant les pluies et les crues, et néanmoins ce sont des travaux
remarquables pour le Choa.

© Pierre
Javelot

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