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Joe Manassé
GAME OVER
(8 février 2003)

 

Je voulais faire un billet d’humeur sur la grisaille, sur quelque chose qui se situe entre le noir et le blanc, tel un voile mélancolique, qui parfois s’abat sur nous, où toute décision est devenue (momentanément) impossible...
Décision pour quoi d’ailleurs ?
Il paraît que le photographe obtient les meilleures couleurs par temps couvert.
Par ailleurs, la décision pour le seul noir ou le seul blanc est une aberration, ce qui me fait penser à l’histoire de l’optimiste et du pessimiste qui contemplent le fameux verre, à moitié plein, à moitié vide...
Ce qui, immanquablement, me rappelle la route qui monte et qui descend.
Il s’agit d’une route dans le Minervois, un joli coin du Sud-Ouest de la France, où, l’été, les touristes, avec une mine désolée, viennent vous demander le chemin de la route qui monte et qui descend, en vérité une illusion d’optique : on gare la voiture au point mort sur une petite route de campagne en légère pente descendante. La voiture commence à rouler, très très lentement, vers le bas. Si l’on se poste à une certaine distance, on a l’impression troublante qu’elle remonte…
Idem pour le verre.
Prenez un verre très exactement à moitié plein-vide. L’assoiffé, pris par l’angoisse du manque, y verra nécessairement une pente descendante. De même, celui qui boit lentement ne va pas s’exciter inutilement quand le verre en est à la moitié, puisqu’il en reste suffisamment pour survivre au prochain quart d’heure, et l’on sait par expérience qu’il arrive aux verres de se remplir tout seuls quand on a le dos tourné (quelquefois il suffit d’ailleurs de leur tourner le dos)…
Et j’en reviens à la grisaille. À la mélancolie. Où le verre n’est ni vide ni plein. Où la route est (momentanément) plate.

GAME OVER. Insert another coin

J’écoute America du groupe Steppenwolf. Et je pense à la deuxième infusion qu’ils sont en train de nous concocter. Aux mines qui vont sauter. Aux bombes qui vont pleuvoir. Aux enfants qui seront criblés de balles. Puis à la faim, aux maladies, à la peur, ces effets désastreux de la guerre dont personne ne parle, après que le conflit soi-disant résolu aura disparu des feux de l’actualité. Car une guerre ne résout jamais rien. Le différend reparaîtra ailleurs, plus terrible encore, puisqu’il paraît évident que nous avons affaire à une spirale ascendante de l’horreur : c’est le fameux tonneau qui déborde (apparemment sans cesse)…
Mais, dans la grisaille, dans la mélancolie, tout cela ne nous concerne pas vraiment, nous autres Occidentaux, si toutefois les apparences ne sont pas trompeuses. Sans doute sommes-nous un peu les victimes de la charité chrétienne. Nous ne voyons pas qu’un peu partout à la surface du globe, il pleut des gouttes qui font déborder le vase, à force de nous demander pardon (tout en jouant du coude) dans nos transports en commun très urbains …
Mais je suis un peu dur : c’est la musique de Steppenwolf qui fait ça, la réminiscence de la révolte fin des années soixante et début des années soixante-dix.
Non, il ne s’agit pas de ce que la télévision française montre en prime time aux gens, mais de San Francisco, Berlin, Prague, Paris, Woodstock…
Puis, vers 1973, une guerre a commencé en sourdine, qui ne cesse de s’enflammer, depuis trente ans, menaçant de prendre des proportions toujours plus catastrophiques. Et à l’époque, bizarrement, les révoltes ont rapidement tourné au vinaigre. Quelques années plus tard, et métaphoriquement, nous avons eu droit à Dallas. Et au Disco.
Et c’est cela que l’on continue de nous montrer. Le côté pattes d’F et paillettes.
Pour certains d’entre nous, les années 1980 ont eu un côté insupportable : on nous racontait (motivation, motivation) que le verre était presque plein, alors qu’il était presque vide, ou si l’on préfère : on nous faisait croire que le vase était presque vide quand il menaçait (déjà) de déborder…
Je ne sais pas quel historien s’attaquera à toutes ces années troubles qui, forcément, conditionnent notre situation, notre grisaille actuelles…
Bien sûr, un nouveau soleil viendra. Et il viendra d’où on ne l’attendra pas. À l’image de la chute du Mur de Berlin, complètement imprévue. Cependant force est de constater que, même s’il a été intense, ce soleil-là n’est pas resté très longtemps…
Pour ces mélancoliques forcenés, au rang desquels j’avoue quelquefois me trouver, les réducteurs de tête parlent de fausse lucidité. J’avoue qu’ils ont raison sur ce point car, avant tout, il faut vivre. Et, à la longue, il n’est pas possible de vivre avec les idées noires. Ça empêche d’exister, comme dirait l’autre. Cependant, - excuse sans doute malaisée, - toute cette grisaille ambiante est très propice aux idées noires, alors qu’un coin de ciel bleu aurait vite fait de ramener le sourire sur les visages et quelques vestes blanches sur les boulevards...  

Finalement, je m’aperçois qu’en fait de billet d’humeur, j’ai fait un bulletin météo. C’est vrai : on dit qu’il y aurait une grosse dépression dans l’air. Mais, je ne cesse de me le demander : l’effet d’annonce du prochain massacre y serait-il pour quelque chose dans nos humeurs massacrantes ?

 

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