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Joe Manassé
EFFET D’ANNONCE
(19 février 2003)

Ce matin encore je regarde les titres des journaux. Comme j’ai écouté le flash à la radio, hier soir. Ces gens-là sont tout de même d’une intelligence supérieure. Une guerre annoncée vaut beaucoup mieux qu’une guerre déclarée. Ces malheureux Russes se débattent depuis des lustres avec un peuple tchétchène décidé à ne rien lâcher, comme ils s’étaient auparavant enlisés en Afghanistan, à l’image du Big Brother américain au Viêt-Nam ou du colon français en Algérie, ou encore d’une guerre civile quasi éternelle en Israël. Face à cet enlisement, le pouvoir nord-américain a trouvé un nouveau truc : l’effet d’annonce.

Pendant ce temps-là…

Comme dans la patrie de Tolstoï, il ne fait pas bon être pauvre aux USA. La politique économique et sociale du "modèle américain" est une horreur. Mais puisque la nation prétend être la première puissance mondiale, il faut faire des sacrifices. Le dernier hobo et le dernier beatnik peuvent comprendre cela : pas de sécurité sociale, because bouclier anti-atomique & "effort de guerre"…

Pendant ce temps-là, les golden boys continuent de se frotter les mains. Ils ont trouvé une martingale imparable…

Non, la guerre n’aura pas lieu parce que son lieu est devenu quasi métaphysique, quasi transcendantal : son côté physique et immanent, les terribles souffrances infligées aux individus se passent ailleurs.

Il s’agit, entre autres, de la pauvreté planétaire…

Or nous avons développé un tel égoïsme ici en Occident que nous sommes capables d’enjamber sans sourciller des clochards qui crèvent dans leur pisse, capables d’engloutir notre TV-dinner en regardant d’un œil distrait nos sœurs et frères humains se faire trucider sur les divers champs de batailles qui ne nous concernent pas…

Ils ne nous concernent pas...?

C’est vrai qu’ils nous ont rejetés quand nous étions des nations coloniales avérées, proclamant la supériorité de notre "race", de notre civilisation. Alors, maintenant que nous sommes avachis sur nos canapés, que notre "race" est frappée de mongolisme, que notre civilisation tourne autour de la Play Station, des fast-food, des écrans géants et des kits mains libres, nous regrettent-ils vraiment…?

Et nous, ne souffrons-nous pas, au fond de nous-mêmes, d’une blessure narcissique, d’un "complexe de rejet"?

J’écoute Jimi Hendrix. L’autre soir, au Nouveau Casino, Brian Auger, un survivant, en son temps organiste de la belle Julie Driscoll, et qui avait fait un gig avec ce guitariste génial, s’était laissé allé à rêver sur scène: "Quelle musique aurait fait Jimi, aujourd’hui?" À quoi je voudrais ajouter: "Quelle interprétation aurait-il donné du Star Spangled Banner, aujourd’hui?"

Jimi Hendrix avait des origines africaines, indiennes et européennes mêlées. Comme tous les métisses (ou "mulâtres" comme on disait dans le temps), il avait été rejeté par toutes les communautés.

Mais il suffit d’aller faire un tour dans un bled perdu des Alpes où les gens se sont mariés entre eux depuis des lustres pour constater le taux "anormal" d’idiots du village…

L’Amérique, par le mélange des gens, le fameux melting-pot, et sa bataille pour la Liberté et la Démocratie, avait été un véritable modèle. Aujourd’hui, c’est un fantôme, sans doute originaire d’Europe, qui hante les espaces virtuels du monde avec ses effets d’annonce et un crissement de chaînes insupportable pour une oreille musicale, un fantôme qui n’a plus de lieu, totalement utopique.

Mais c’est une utopie négative, car elle tourne autour de la guerre et du profit, peu importent les paravents hautement moraux et les bonnes intentions qui s’affichent sur les écrans des networks...

Après Imagine et, plus récemment, Revolution de John Lennon, la publicité s’est emparée de All Along the Watchtower de Bob Dylan dans la version de Jimi Hendrix. Une horreur, ces histoires d’héritage. Quand on pense que Jim Morrison avait cassé le contrat avec une société automobile pour la chanson Light My Fire que les autres membres des Doors avaient fourguée sous le titre de Light My Buick...!

Force est de constater : nous voici vraiment devenus une civilisation d’annonceurs macabres...!

post script : c’est vrai, la guerre a bien eu lieu, mais avec les bombes, les effets d’annonce continuent d’éclater...

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