SKARLET - VII -
"Superpuissance ensablée" sur : spiegel.de Douzième jour de guerre (lundi 31 mars 2003) 9:23, France Info. Titres : Offensive anglaise à Bassora. - Pilonnage de Bagdad et de sa périphérie. - Progression de l'épidémie de "pneumopathie atypique" dans le monde. - Le CAC40 perd 3%. 9:30, Batignolles. J'ai l'impression que les gens qui parlent dans les médias ont besoin de situations de crise comme celle-ci. Ainsi, ils oublient qu'ils n'ont rien d'autre à dire : si toutes ces "crises mondiales" n'existaient pas, ils n'auraient rien à se mettre sous la dent, aucune eau saumâtre pour alimenter leurs moulins à paroles, leurs discours cyniques. Et j'ai l'impression que la parole humaine, telle qu'elle est pratiquée ici, est née d'un malaise considérable. Mais la discussion est ouverte. Puisque l'avenir est incertain… 9:43, BFM. Le CAC40 perd 3,51%… La séance est très mal partie… On attend l'ouverture de Wall Street… L'euro se fortifie par rapport au dollar : 1$08… 9:45. Titres. Le Canada est touché de plein fouet par l'épidémie de pneumonie… À l'aube, un raid aérien sur Mossoul… Reprise du procès Elf… Attentat à l'explosif en Corse… Météo : il fait nettement plus frais aujourd'hui… 10:08. On commente l'influence de la guerre sur la première semaine de hausse, puis la baisse actuelle de la bourse: "Excès d'optimisme… on croyait à une guerre éclair…" - "La dépréciation graduelle du dollar est une bonne chose pour l'économie des États-Unis, et de l'ensemble du monde…" 10:15. Forte séance de baisse partout en Europe. - Un expert dit que le mouvement de dépréciation du dollar est en partie initiée par l'Amérique qui, sinon, serait asphyxiée par son déficit extérieur.10:30 (8:30, TU), RFI. Titres. La Garde républicaine irakienne s'oppose aux Américains près de Nadjaf. - Bombardements très intenses à Bagdad, la nuit dernière. - Bilan du Pentagone : 40 soldats (américains) morts. Rumsfeld: "La guerre finira quand l'Irak sera libérée." - Mobilisation (anti-américaine) en Égypte, au Maroc, en Indonésie… - Attentat suicide en Israël (Nettanya)… - Journée de deuil en Bosnie : les premières victimes de Srebreniča (en juillet 1995) sont enterrées aujourd'hui… - Quatrième victime de la "pneumopathie" au Canada… - Cette nuit, un attentat contre la perception de Borgo (Haute-Corse), aucun blessé… 10:42. Antenne libre sur la guerre en Irak. Une auditrice dit, en se référant à Madelin, que l'attaque américaine est "légale, même s'il y aurait pu y avoir plus de légalité, plus d'unanimité…" (!) - Un auditeur kurde sur la question de la légitimité: Nous vivons en guerre depuis plus de 23 ans. Personne ne s'est intéressé à cette guerre… Pour nous, cette guerre va mettre fin à la guerre que nous vivons depuis 30 (23?) ans… - Une auditrice qui a écrit plusieurs livres sur l'Irak: Je suis très, très mal à l'aise pour parler de ce qui se passe en ce moment… je voudrais plutôt parler de la guerre des mots… les mots sont vides de sens… on parle à longueur d'antenne de "crise irakienne", alors qu'il s'agit d'une "crise américaine"… les mots sont instrumentalisés… En 1991, pendant les 42 jours de bombardements, on nous a parlé d'une guerre propre, chirurgicale… une guerre n'a rien de propre… - Un auditeur africain à Pékin: La constitution chinoise n'autorise pas les manifestations publiques… 11:00, France Inter. Le mollah Omar appelle au Djihad. Selon Reuters, les Américains seraient entrés dans Nassiriya. 11:04, RFI. Une correspondante à Jérusalem: Un deuxième contingent palestinien part à Bagdad. Les kamikazes auront pour champ d'action tout le territoire irakien. - 300.000 manifestants (anti-américains) hier au Pakistan (Pesh Awar). - Une série d'attentats contre les soldats occidentaux en Afghanistan. - Au Venezuela, le président Chavez annonce le bombardement d'une zone frontalière avec la Colombie. 13:05. France 2. Le commentaire parle des combattants islamistes (Al-Qaïda, Hezbollah) qui risquent d'affluer des nations arabes sur le territoire irakien ou de frapper en dehors, même en mer. - La télévision irakienne n'émettait plus, ce matin. - Envoyé spécial à Bagdad: "Cette nuit, ça a été terrible… c'est une saturation de bombardements à laquelle on assiste… les cibles : les centrales téléphoniques, le ministère de l'Information, les palais présidentiels… ça fait des ruines qui s'ajoutent aux ruines…" - Reportage au Nord de l'Irak, commentateur: "Dans le ciel les B52 sont visibles... les troupes américaines s'installent peu à peu au sol…" - Appel de l'UNESCO à préserver les sites archéologiques (et les musées) d'une civilisation vieille de six mille ans, qui appartiennent au "patrimoine de l'humanité".J'éteins la télé. Il me semble que les choses se compliquent énormément : le système (machines de guerre, d'information, d'économie) en arrive à une sorte de paroxysme. La machine de guerre "ultra-moderne" est confrontée à une résistance archaïque, ancestrale et, comme veulent le montrer les comptes-rendus, semble s'enliser (Al Qaïda veut dire "La Base" en arabe). Les commentateurs tournent en rond : information? désinformation? guerre des mots? guerre des images? Et, une fois encore, l'économie fait apparaître une chose (déjà patente à l'époque des fascismes européens) : elle utilise la machine de guerre pour se sortir d'une impasse, d'une "crise" qui maintenant dure depuis 1973 en Occident et dans le monde entier, dont même la "nouvelle économie" n'a pas pu nous délivrer puisque ses "valeurs" se sont brutalement effondrées voici quelques années. D'autre part, les convictions, les certitudes reviennent en force : en psychiatrie, on s'en sert comme d'un indicateur pour évaluer le degré de "délire" (ou de souffrance) des malades. Aucune souplesse, aucune ouverture : les gens campent sur leurs positions, s'y enterrent comme dans des bunkers idéologiques, libéraux ou traditionalistes, libertaires ou utopistes… Il y a surtout les "petites gens" de chez nous et les "pauvres gens" de là-bas qui, tous deux, se font happer par la machine, souvent pour une bouchée de pain. C'est là le crime le plus grave que commettent, parfois inconsciemment, ceux qui détiennent (et dispensent) le droit à la parole : manipulation, lavage ou retournement de cervelle, harcèlement, qui accompagnent une recrudescence de la misère culturelle et matérielle de part et d'autre. Oui, les choses se compliquent. Avant
le début de la guerre, les Américains l'avaient déjà faite et gagnée
"virtuellement" sur leurs simulateurs. À présent, ils sont
confrontés à certaines "impossibilités réelles", et la définition
du réel tient dans son caractère imprévu et imprévisible, radicalement
différent de cet imaginaire qui, d'après les travaux de Freud, tire son
origine dans la satisfaction hallucinée du désir. Mais alors quel est ce
désir (inconscient) dont les Occidentaux recherchent la satisfaction à tout
prix et, pour notre plus grand désarroi, dans le monde réel, qui par
définition y résiste toujours... ? |