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WOLFGANG KAEMPFER

 

Wolfgang Kaempfer

 

~ Trois Fragments ~

 

Articles parus dans le

Dictionnaire critique de la mondialisation, GERM / Le Pré aux Clercs 2002

 

 

 

1) DÉSOCIALISATION


La recherche forcenée de l’identité, à laquelle nous assistons actuellement, recherche plus ou moins fiévreuse, risque de se répandre comme une épidémie sur toute la planète, en s’adaptant involontairement, elle aussi, aux lois du marché mondial. Il est fort possible qu’elle vise en vérité un but, un objectif, à jamais perdu — perdu justement au cours d’une désintégration et d’une déterritorialisation des hommes, des familles, des clans, des peuples, des ethnies, désintégration et déterritorialisation en acte de longue date et provenant des activités et de l’esprit d’un capitalisme qui n’a jamais connu et reconnu en vérité, ni peuple ni nation, ni pays ni frontières.

Toute identité, même la plus modeste, fonctionne comme une sorte de paravent. En étant l’autre de l’homme, en étant son ombre, son écho, son partenaire, elle lui assure le signe, le symbole de ce que l’on pourrait appeler son monde. L’homme contemporain vit sans monde véritable, et il est donc sans "paravent", sans protection solide, sans peau. La violence, exercée par un régime, étant plutôt omniprésente que présente, plutôt sensation qu’expérience tangible, semble au contraire exprimer la vulnérabilité de l’homme poussée à l’extrême. Le libéralisme des sociétés libérales, exerce en quelque sorte un totalitarisme démocratique, déjà dénoncé par Alexis de Tocqueville dans son œuvre De la démocratie en Amérique. Par son propre mouvement — mouvement scientifique et analytique, mouvement de la mode, du marché — il relativise tout concept, toute foi, toute "identité" de façon quasi-automatique. En ce sens, il ne produit pas, mais il détruit, suivant la ligne d’un cercle, à la façon d’une plaque tournante, toujours déjà arrivée à son but virtuel et mécanique : la dissolution/relativisation/neutralisation de toute chose, de toute "production", de toute "identité". Toute recherche d’identité, même la plus authentique, la plus traditionnelle, la plus "normale", court le risque paradoxal de se retrouver un jour à son point de départ, au point de son expérience initiale, marquée par l’isolement total au sein de la société de masse. Resocialisation et désocialisation se rejoignent, et c’est là que l’on s’aperçoit d’une contradiction fondamentale, inhérente à tout concept d’identité : ainsi, l’identité comme telle, l’identité pure et absolue n’est qu’un concept abstrait, une simple généralité, imposée par une société elle-même abstraite et générale, une "société générale" pour ainsi dire, qui existe pour tout le monde et pour personne. Comme tout concept pur et absolu, "identique à soi", l’identité projette en vérité une ombre, l’ombre d’elle-même, l’autre d’elle-même, l’altérité de l’identité. Ce mécanisme qui lui est inhérent, déjà décrit par Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit, est le résultat d’un mouvement de pensée incapable de concevoir l’un sans l’autre, l’identité sans altérité. Appliqué aveuglément à une donnée réelle quelconque, ce mécanisme ne peut que mettre fin à ce qui, pour Hegel, aurait été un mouvement dialectique qui ne s’arrête ni volontairement ni arbitrairement mais qui suit les mouvements réels et historiques. Restant ainsi lié au stade initial du mouvement dialectique, à la pure et simple opposition identité/altérité, opposition entièrement théorique, le mécanisme d’une identification banale, fixe et définitive, nous amène directement à l’impasse bien connue du code binaire, de l’alternative entre oui et non, identique et non-identique, en suivant des lois de la logique philosophique qui remontent à l’Antiquité.

Le consommateur réel réclame le non-consommateur réel, le pauvre, la victime. On remarque ici la même dialectique stagnante, le même cercle clos, qui ne peut que tourner en rond, cercle oscillant sans cesse et sans issue entre homme et sous-homme, entre êtres favorisés et êtres non-favorisés, qui ont caractérisé les régimes totalitaires. Cette société tournant sans cesse autour du soleil de sa conservation (son auto-conservation) sans limites semble littéralement avoir renoncé à toute histoire possible. Comme telle, cette société, qui se borne sans réserve à sa conservation (son auto-conservation), au status quo de son existence pure et simple, à sa survie plate et matérielle, ne sera en effet plus en mesure de s’occuper de ceux qui sont — et qui seront — les victimes manifestes de l’arrêt de tout "progrès historique". Elle ne sait que les exclure, au profit du bon fonctionnement du système et de son status quo, au profit du mouvement éternel de la plaque tournante immense des affaires et du marché mondial. De nos jours, le "sous-homme" n’est même plus en mesure de se servir, comme l’a observé Jacques Poulain, des droits de l’Homme les plus élémentaires. Pour lui, ces droits restent purement formels : ils n’existent plus.

A l’heure actuelle, nous suivons, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou involontairement, deux pistes opposées : la piste d’une globalisation et planétarisation sans pareille, et la piste d’une individualisation et d’un repli identitaire sans pareille. En soi, ces deux pistes ne sont pas "fausses". La bannière d’un individu libre, fort et fier de soi, flottant à côté du drapeau d’une humanité enfin réunie, paisible et tolérante, serait plus que souhaitable. Mais la condition d’un tel état des choses — état quelque peu paradisiaque — serait de pouvoir se libérer de l’impasse, du piège d’une dialectique stagnante, qui fait que nos ambitions de tolérance sont pour la plupart aussi vides, aussi théoriques que nos expériences réelles d’intolérance. En vérité, tolérance et intolérance vont, elles aussi, de pair. Tout tolérer n’est au fond pas moins dangereux que ne rien tolérer du tout. Pourquoi ne pas avouer nos sensibilités, nos aversions, nos "allergies", nos différences et divergences véritables ? Il n’est tout simplement pas vrai qu’elles s’excluent les unes les autres. La dialectique stagnante est une maladie hypocrite. Probablement issue des contraintes multiples et embarrassantes de la bataille économique quotidienne, qui envahit toute la planète, elle a complètement fait oublier que, jadis, rien n’était plus normal que la coexistence des gens : cohabitation des races, peuples, ethnies, familles, religions non par une tolérance apriorique et contrainte, mais par la reconnaissance, le respect de l’autre, qui n’était pas encore considéré comme l’altérité de l’identité, comme la négation d’une position présumé. Il semble que le mode d’exclusion/inclusion "automatique" n’est que le symptôme d’une perte d’identité et d’identification profonde de l’homme contemporain.

 

2) TÉLÉRELATION


C’est en ville que l’homme commence à développer ce que l’on pourrait appeler la télérelation. La relation immédiate des choses et des hommes a été interrompue par l’intervention d’un tiers – d’un médium – pour l’échange des choses : l’argent, et d’un médiateur pour les hommes et leur accès aux biens : le commerçant. La première scène de cette histoire se déroule en Grèce antique, au 7ème siècle avant J.-C. La figure de Solon, fondateur légendaire de la démocratie athénienne, réunit à lui seul l’homme d’État, le marchand, le poète et le philosophe. Mais comme premier « législateur », il semble s’être considéré lui-même comme un "médiateur" (intermédiaire) avant tout.

A n’importe quel niveau, la médiation s’avère capable de couper les processus dits historiques ou biographiques. Dès l’époque de Solon se profile un mode d’accès aux biens plus direct et immédiat que celui de l’ère féodale. Pour se procurer un bout de terre ou même une ancienne propriété « aristocratique » (son « histoire » incluse), il suffira d’être en possession d’un bien d’échange totalement abstrait (immatériel). Tout acte d’échange qui se réalise par le médium neutre (et neutralisant) de l’argent, peut mettre fin à une histoire – ou bien en reprendre, en recommencer une autre.

Nous voyons qu’un élément arbitraire entre en jeu qui brise le règne féodal, qu’il remplace par le règne de la Loi. Règne monétaire et règne du droit vont en effet de pair : ils sont inséparables. Ainsi, un tout autre régime se prépare : le régime démocratique et légiférant, qui projettera lui aussi, à la longue, son ombre, l’ombre de l’arbitraire, d’un enrichissement sans bornes et d’une immédiateté totale quant à l’accès aux biens (et aux plaisirs) du monde. Sur ce point – à savoir le risque d’un déraillement du système judiciaire – la législation de Solon, fondée sur les trois classes des sociétés occidentales (aristocrates, artisans, paysans), était  bien plus prévoyante et stricte que la loi actuelle.

Un tel « déraillement » ne paraît s’imposer qu’au moment du véritable tournant d’une société sans cesse soumise à des règles non écrites de comportement, qui se livre à ce que l’on appellera plus tard libéralisme – et aujourd’hui déjà néolibéralisme – comprenant en premier lieu la libéralisation de toute activité visant l’intérêt privé des seuls individus. Et c’est cette privation rampante des individus – privation de leur classe, de leur état, de leur clan, de leur famille – avec pour conséquence un véritable déchaînement de l’activité économique, qui aboutira finalement à des effets sociaux purement désocialisants. La société risque alors de se dissoudre dans une « société de masse », sans structure véritable et sans règlement interne. Vient le moment où le monde – ou ce qui nous tient lieu de « monde » – cesse finalement d’être un monde pour se transformer en un gigantesque appareil informe au seul service des soifs, des désirs et des fantasmes de l’Homme.

La technique sophistiquée de notre époque en est pour ainsi dire le paroxysme, le résultat final. Elle ne paraît viser qu’un seul et ultime but : la médiatisation du monde sans reste et jusqu’au point où toute chose aura trouvé son double, son image, son simulacre, l’accès aux choses n’est permis qu’à travers ce double, cette image. Et par la médiation d’une « chose » qui n’est plus elle-même – avec, bien sûr, la possibilité d’une reproductibilité sans fin et en quelque sorte éternelle de ces « choses » – le médiateur remporterait sa victoire finale.

Pensons, dans ce contexte, à la capacité inouïe du capitalisme actuel (postindustriel) de soumettre toute activité humaine à son médium basal et fondamental : le code monétaire. En ce sens, le capitalisme n’a pas de but : il ne vise pas même un pouvoir qui serait équivalent à celui d’un premier ou d’un deuxième état dans les sociétés divisées en castes. Historiquement issu du tiers-état, il reste lié à sa tâche originelle : le maniement et la gestion des biens, des affaires, sans finalité évidente. Son seul but déclaré est l’auto-conservation de l’Homme, mais si ce but ne mène nulle part, il ne peut qu’augmenter le risque que le «moteur de l’auto-conservation » ne tombe en panne par surchauffe.

Le besoin croissant de se confier sans limites à des médias omniprésents, d’utiliser les possibilités de "télérelations" ainsi offertes, qui permettent d’entrer en contact à tout moment avec n’importe qui et n’importe quoi, à une vitesse proche de celle de la lumière, ce besoin n’est rien d’autre que l’expression scénique – la scénarisationde l’état des choses qui vient d’être esquissé : il n’est plus très éloigné d’un autisme rampant ; car, en dernière analyse, on ne communique plus avec le monde : on communique avec soi-même, n’obéissant en vérité qu’à ses propres impulsions, fantasmes ou obsessions. La télérelation finit par secréter une relation autiste à soi-même.

Dans cet ordre d’idées, un film me vient à l’esprit (dont j’ignore malheureusement le réalisateur et le titre), qui cherche à rendre compte d’une situation totalement médiatisée. Toute relation y est devenue affaire d’appareils, de téléphones, de répondeurs automatiques. Personne ne rencontre plus personne. On se parle de façon narcissique et monomaniaque : des monologues interminables, des promesses de rendez-vous, jamais tenues ; une atmosphère intenable, étouffante, qui empêche de suivre ce film jusqu’au bout...

Il va de soi que l’on pourrait imaginer un tout autre usage des médias existants, un usage autonome et distancié, qui favoriserait des buts, des intentions inverses, des projets et des essais, qui viserait une certaine « resocialisation » de l’homme : sa resocialisation « sur une base électronique ». Mais cela réclamerait un changement social non moins radical que celui qui nous a conduit à la société libérale ou néolibérale actuelle.

 

 

3) L’INTÉRIORISATION DU CODE MONÉTAIRE

 

“Peut-on penser que le néolibéralisme, dans son oeuvre de destruction (‘des structures collectives’: P. Bourdieu), puisse laisser intact l’individu-sujet”? se demande Dany-Robert Dufour dans un article (Monde diplomatique de février 2001, p. 16-17). La réponse est bien sûr négative. Selon lui, une véritable “destitution du sujet” s’est produite et, comme beaucoup d’autres, Dufour cherche à s’expliquer cette “destitution” par l’absence d’un “énonciateur collectif”, la disparition du Grand Autre (lacanien). “Pour que je sois ici, il faut en somme que l’Autre soit là,” dit-il, en ajoutant que “le marché ne vaut nullement comme nouvel Autre.”

 

Pourtant, ce même marché semble représenter, à l’heure actuelle, une sorte de plate-forme, qui réunit virtuellement toute l’humanité de la planète. Obéissant à un seul code général, le code monétaire, obligatoire pour tous ceux qui cherchent à accéder aux biens de ce monde  - et qui pourrait encore en faire exception, en vérité? - le marché, devenu marché mondial, semble fonctionner, dans son ensemble,  exactement comme l’Autre de l’Homme, - et même le seul Autre à considérer comme objectif.

 

Car il y a plusieurs “Autres” dans un monde qui s’approche de plus en plus - et malgré les énormes turbulences en cours - d’un seul et unique Univers. A l’égard du seul code cependant, accepté comme objectif - et qui est, pour cette même raison, à l’origine de l’unification actuelle du monde - tout autre “code” - à savoir les anciens ou les nouveaux “dieux” (“dieu” de tradition, de différentes cultures, d’idéologies récentes ou historiques) - ne peut figurer que sous forme “subjective”. Vu la force, le régime incontournable du code mondial-monétaire actuel, les autres codes (régimes) s’avèrent en quelque sorte relatifs - et c’est en dernière instance le code mondial-monétaire qui les a “relativisés”.

 

Mais d’où vient cette force inouïe, cette capacité de relativiser tout autre “énonciateur collectif”? Quelle est son énigme? Cette force réside, semble-t-il, dans son pouvoir de s’adresser à l’homme de façon paradoxale et contradictoire. Elle lui lance deux appels opposés, qui se neutralisent - et se renforcent - mutuellement. L’appel à sa socialisation - socialisation froide, mais efficace et reconnue, “socialisation par l’argent” - s’accompagne de l’appel inverse, de l’appel à son “égoïsme naturel”, à ses “instincts d’autoconservation normaux”  - et donc à sa  désocialisation.

 

Vu la longue histoire de cette “pratique”, qui arrive peut-être à son paroxysme de nos jours - et donc au risque d’une “destitution de l’individu-sujet” totale et irréversible - il n’est pas à exclure qu’on frise déjà une situation désignée par Bateson et ses collaborateurs (à l’occasion du diagnostic de la schizophrenie familiale) par l’expression du double bind ou double binding. Nous oublions trop facilement, que l’homme, le zoon politikon par excellence, n’échappe jamais véritablement et définitivement à ses ambitions fondamentales. Son désir de pouvoir se refléter, se miroiter - et de briller -  vis-à-vis de ses semblables, des “autres”, lui est aussi indispensable que les désirs les plus ordinaires ou les plus “égoïstes”.

 

En langue allemande, certaines allusions à une sorte de reconnaissance sociale, de considération, due à la richesse ou au mode de vie et de confort qui en résultent, semblent, dans ce contexte, un peu plus “lisibles” qu’en langue française. Les mots Geld (“argent”) et gelten (“être considéré”, "avoir de la valeur") p.ex. peuvent y être employés de facon presque synonyme.

 

Avec l’ère dite bourgeoise, à partir du seizième, dix-septième siècle européen, un changement frappant dans l’attitude et la conduite vis-à-vis de l’argent commence à s’imposer. Le fameux “code”, qui se transforme alors en une véritable clé, en ce seul passe-partout valable pour accéder aux biens de ce monde, commençait à perdre son aspect sinistre, sa réputation suspecte et “diabolique”, héritée du Moyen-Age, que les esprits éclairés de l’époque comme Erasme de Rotterdam, Thomas Morus ou William Shakespeare continuaient cependant de lui prêter. Sous l’influence puissante de la Réformation, de la religion chrétienne réformée, et en particulier du Calvinisme, s’articule maintenant l’idée que toute fortune, toute richesse est un signe de la bienveillance de Dieu plutôt que l’oeuvre du “diable”. Et la nouvelle “considération”, vouée au code socialisant-désocialisant, commence à se transmettre, bien sûr, aux bénéficiaires mêmes d’un bien entièrement abstrait, qu’il fallait stocker et accumuler d’autant plus que le Dieu bienveillant, le “Dieu réformé” avait interdit toute dépense inutile et luxuriante.

 

Mais une fois sacré - sacré par le “Bon Dieu” lui-même - le nouveau “fétiche”, comme l’appellera Karl Marx quelques générations plus tard, emprunta son propre chemin en s’affranchissant de son maître suprême, le Bon Dieu bienveillant. Comme l’homme moderne lui-même, il se procura progressivement les insignes de sa propre superbe. Devenu Dieu à son tour - et il est en effet conçu de la sorte dans l’analyse de Marx - il était manifestemant immigré de l’extérieur vers l’intérieur, de l’espace tridimensionnel qui permettait de s’y confronter, de le situer, de le battre (comme Erasme, Morus, Shakespeare) vers le lieu non-spatial et imaginaire de l’esprit (de l’âme), conçu par Descartes comme res cogitans, et ce n’est pas un hasard : car à partir de ce moment précis, il pouvait s’immiscer clandestinement dans les pensées les plus subtiles et les plus pures, y compris les pensées de la Haute Philosophie (p.ex. chez Immanuel Kant - comme le montrent les recherches de A. Sohn-Rethel. J. Manthey, J. Hörisch, E. Bockelmann, et la conclusion de notre propos).

 

Son énigme en vérité est simple. Il exerce partout le même pouvoir, le pouvoir d’établir des synthèses entre particulier et général, chose et concept, singulier et pluriel (marchandise et argent). L’expérience nouvelle, faite par le maniement continu du “généralisateur-synthétiseur” argent, semble se trouver à l’origine de toute méthode et de tout mode de généralisation et de synthèse, soient-ils scientifiques, philosophiques, sociologiques, politologiques etc.

 

Le régime du code monétaire, du nouveau Tiers, du nouvel Autre de l’Homme semble s’être installé de facon plutôt inaperçue et “instinctive”. On en trouve partout des traces, des résidus, qui sont en général codés, c’est-à-dire traduits en divers codes appliqués dans les disciplines particulières dont ils font partie. Ainsi, on peut p.ex. décoder ce qui se cache derrière les fameux jugements synthétiques a priori dans la philosophie de Kant, - apriori énigmatique de la faculté de juger de la raison.

 

Pour finir ce petit parcours sommaire, une remarque un peu insolite: ce “pouvoir”, le pouvoir de la raison, n’est en vérité pas si éloigné d’un pouvoir bien plus “matériel” qui, en langue française, s’appelle le  “pouvoir d’achat” - pouvoir qui sait, lui aussi, synthétiser une généralité avec n’importe quelle particularité.

 


 

 

 

ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES

 

Né en 1923 en Allemagne, Wolfgang Kaempfer fit l’expérience de la guerre comme soldat à partir de 1941. Après 18 mois de captivité en Russie, il entama un cursus universitaire général, comprenant les sciences naturelles (physique et chimie), la philosophie, la psychologie et la littérature. En 1953, il passa son doctorat en lettres. Ensuite, il travailla comme adaptateur scénique à la radiotélévision de Berlin (SFB, aujourd’hui RBB), puis chez l’éditeur de théâtre Felix Bloch Erben. En 1963 il fut engagé au Goethe-Institut et dirigea les Centres Culturels d’Alger et de Toulouse, tout en effectuant des recherches en germanistique. Il publia des articles dans diverses revues littéraires (Recherches germaniques e. a.) et une présentation très critique de l’écrivain Ernst Jünger (1981). Au cours des années 1980, il entra en contact avec le groupe constitué autour du département d’Anthropologie Historique de l’Université Libre de Berlin (FU), cofondé par Dietmar Kamper, qui devint un ami proche. Parallèlement, il enseigna la littérature en Italie (Trieste, Padoue) et coorganisa des colloques avec l’Istituto Gramsci et le Goethe-Institut Trieste, dont il fut le directeur. Ses recherches s’orientèrent alors plus particulièrement sur le problème du temps, l’histoire, l’esthétique et les phénomènes de civilisation. Ces thèmes sont présents dans les quatre livres qu’il publia entre 1991 et 2005.  Ses publications lui valurent des invitations à la FU et à l’Université Humboldt de Berlin. Décédé en 2009, son dernier projet théorétique devait toucher à "l’acte civilisateur" d’Héraclès, né de discussions avec son ami, le philosophe berlinois Klaus Heinrich. Mais une autre passion, qui l’avait occupé dès sa jeunesse, l’emporta: Ainsi, il préféra passer les deux dernières années de sa vie à l’écriture d’un roman, qui restera malheureusement inachevé.

 

 

ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

 

1) français

Le double jeu du temps (traduit par Stefan Kaempfer), L’Harmattan 1998, dans la collection "Philosophie en commun" dirigée par Jacques Poulain

2) allemand
Die Zeit und die Uhren
, Francfort Insel 1991 ("Le Temps et les Horloges", avec une contribution de Dietmar Kamper)
"Die Natur der Schönheit", Francfort Insel 1992 ("La nature de la beauté", en collaboration avec le biochimiste Friedrich Cramer)
Zeit des Menschen:, Francfort Insel 1994 (Le double jeu du temps )
Zeitsturm  ("Les conversations méditerranéennes de Dietmar Kamper avec Wolfgang Kaempfer"), éd. Tectum 2004
Der stehende Sturm  ("Dynamique d’auto-dissociation de la société"), éditions Kadmos 2005
Die unsichtbare Macht ("Le pouvoir invisible"), ouvrage collectif (avec des contributions de W.K., Jacques Poulain, Dietmar Kamper, Slavoj Žižek), éd. Sine Causa 2005

Certains de ses articles sur la littérature allemande peuvent être consultés dans la revue "Recherches Germaniques" (Strasbourg). Son livre sur l’écrivain Ernst Jünger est paru aux éditions Metzler (1981, épuisé, il en existe une traduction italienne). D’autres articles, philosophiques et sociologiques, sont parus notamment dans la revue d’anthropologie historique Paragrana, (Akademie Verlag, Berlin, éditée par Christoph Wulf).

L’éditeur berlinois Reinald Gußmann (Vorwerk 8) annonce la publication d’un recueil d’essais pour 2010.

 

 

A lire aussi :

 

> La relation monétaire. Histoire de la domination temporelle
> Le double jeu du temps (introduction)
> Cultures et Civilisation

> A la recherche de l’identité perdue. Réflexions sur le capitalisme actuel

 

© kaempfer 2009